Tout le travail de Dario Argento à partir des années 90 est piétiné par toutes les critiques, y compris par ses fans. Celui qui a longtemps interrogé l’image, les points de vue, la frontière entre le rêve et la réalité, a perdu pied à partir du Fantôme de l’Opéra. Entre scénarios mal ficelés, dialogues ineptes et réalisation fonctionnelle proche du téléfilm, le maître s’est fourvoyé dans des œuvres qui ne rendent pas justice à son talent de conteur nourri de détails obsessionnels. La sortie de Lunettes noires, dix ans après ce qui est son plus grand raté (Dracula 3D), apparaissait donc comme une curiosité. Les vingt premières minutes sont aux petits oignons et on se plait à rêver de la renaissance du talent du maître. Ambiance hypnotique, musique rappelant ses meilleures collaborations avec les Globlin, meurtre gore, milieu interlope dans une Rome très chic, le début est des plus prometteurs.


Dommage que la suite ne soit pas à la hauteur de cette mise en place efficace et bien menée qu’on n’avait pas revue chez le cinéaste depuis des plombes. Après avoir choisi la voie du drame en provoquant la rencontre entre la jeune femme devenue aveugle et le jeune Chinois plutôt que celle du thriller pur, semblant même évacuer l’ambiance purement giallo du début du film, Dario Argento replonge dans la dernière partie dans son récit initial. Mais du début mystérieux, il ne reste qu’une mécanique usée du genre qui n’ose pas se renouveler. Le tueur en série manque cruellement de personnalité et ses motivations restent totalement obscures, si on considère que la jeune femme n’était pas sa première victime.


Le dernier acte, lui, verse dans le n’importe quoi. Personnages qui tournent en rond et prennent des décisions ubuesques, poursuite ridicule, intervention lunaire d’animaux extérieurs et résolution ratée ramènent le film dans une médiocrité que le réalisateur s’était échiné à fuir depuis l’ouverture. C’est dommage car ce film n’est pas raté, loin de là, il renoue même avec certains grands moments du réalisateur italien mais il ne parvient pas à tenir la distance pour fêter le retour de celui qui a été, par beaucoup, considéré comme un maître dans son art.


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le 2 août 2023

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