Un remake qui, sans se retrouver au niveau de l'original, arrive à s'en démarquer, à moderniser son propos et à brillamment ancrer son action dans les États-Unis du début des années 50 : le fait d'avoir Los Angeles pour cadre enracinant davantage M dans le film noir, la radio étant quant à elle remplacée par la télévision…
Les acteurs sont irréprochables, David Wayne en tête, qui incarne un M davantage victime de la société (SAUCISSE) que le M incarné par Peter Lorre 20 ans plus tôt : ici, les enfants ne sont pas violés ni même violentés (et le film ne fait aucune métaphore en rapport avec cela). Le discours du tueur est quant à lui différent, mais toujours aussi percutant, peut-être même plus ici puisque David Wayne a droit à un plan-séquence de presque trois minutes.
Les rôles sont cependant encore plus marqués, rendant le film dont il est question ici plus manichéen que l'original. La pègre est encore plus négativement représentée : là où celle de Fritz Lang coopérait avec le peuple (coucou la gestapo), celle de Joseph Losey l'achète puis s'en débarrasse. Les gangs ont, eux aussi, un rôle plus marqué. Le film se montrant très critique envers le comportement de la population (du moins encore plus que dans la version de 1931), qui n'hésite pas à cogner avant et à réfléchir après, de l'american dream, et surtout, Joseph Losey s'étant investi aux côtés du Parti communiste américain à cette même période, inutile de vous dire qu'il a rencontré quelques problèmes avec le maccarthysme : le réalisateur n'hésitant pas à faire allusion à cette chasse aux sorcières à plusieurs reprises et plus particulièrement au détour d'un dialogue.
S'il n'y a pas de gros changements concernant la police, ça manque tout de même d'un acteur de la carrure d'un Lohmann : le flic qui le remplace est ici caractérisé par le fait qu'il mange des cacahuètes… je suis sûr que c'est un hommage à Fury de Fritz Lang.
Le film arrive tout de même à opérer quelques changements plutôt intelligents. Le fait que la police retrouve l'assassin grâce à un indice sonore, et non plus visuel, a bien plus de sens dans un film tourné en noir et blanc. Le sifflement reste l'élément qui permet à l'aveugle d'identifier le tueur, mais exit Peer Gynt : le sifflement du tueur fait ici bien plus penser à un sifflement que pourrait produire un charmeur de serpents. Sur ce point encore, le récit gagne en sens.
L'un des plus gros changements du long est sans nul doute le rôle de l'avocat, plus développé que chez son ainé, qui incarne lui aussi une victime et plus particulièrement une victime qui se fera froidement assassiner lors de sa tentative de rédemption : une fois encore, l'Amérique dépeinte par Losey est loin de faire rêver.
Reste à noter la réalisation, elle aussi plus sommaire que la version de Lang, même si Losey a tendance à lui rendre hommage en reprenant certains de ses plans et à imposer son style grâce à quelques plans-séquences. On notera moins de plan qui marque la rétine en somme, même si on retiendra tout de même ce plan dans lequel le tueur, alors sur son lit, a la tête plongée dans la pénombre : dévoilant ainsi son ambivalence.
Bref, une version inférieure à celle de Fritz Lang certes, mais loin d'être une réactualisation cynique ou une pâle copie de la version du réalisateur allemand : un long-métrage encore plus orienté politiquement que son aîné qui contraindra (du moins en partie) le réalisateur à s'exiler au Royaume-Uni l'année suivante.