Pas facile de passer après "M le maudit" de Fritz Lang et pourtant Joseph Losey s'attaqua au projet sans ciller. Réalisé 20 ans après la version de Lang, "M" a tout de même du mal à soutenir la comparaison avec son aîné. Impossible de ne pas penser au film original devant celui-ci, reprenant allègrement des tas de scènes, d'idées et de plans (en particulier lors du premier meurtre de la pauvre petite Elsie). Mais au-delà de l'inévitable comparaison qui nuit un peu à l'ensemble, il faut bien reconnaître à Joseph Losey un talent certain. Sa mise en scène au noir et blanc superbe regorge d'idées et de trouvailles originales, parvenant à se démarquer de son aîné. On y trouve une ambiance bien particulière, de paranoïa (en 1951, année à laquelle le film a été réalisé, la peur du communisme est partout) et de terreur. Là où le film fonctionne surtout, c'est quand il s'éloigne de l'ombre de Fritz Lang, plaçant par exemple dans le scénario un avocat alcoolique et désabusé aidant la pègre. La scène finale, forcément attendue, est d'ailleurs assez extraordinaire, remarquablement écrite et surtout interprétée par un David Wayne à fleur de peau. L'acteur, passant dans l'ombre de Peter Lorre, arrive d'ailleurs à offrir une interprétation de qualité, faisant de son personnage la première victime d'une société malade.