Comment un film aussi marginal et en apparence aussi ridicule que MASH peut se voir attribuer la palme d’or ? Et bien c’est par ce que ce bijou satirique, premier chef d’œuvre de Robert Altman est une comédie intelligente et hilarante, l’une des plus grandes caricatures de la guerre. 
Ce film suit le parcours de médecins et chirurgiens de l’armée durant la guerre de Corée. On se retrouve au cœur d’un campement qui tout en étant au centre de l’horreur des batailles, semble totalement à l’écart. Pendant près de deux heures ce n’est pas un vrai film de guerre qui nous est donné à voir, mais la suite des diverses insanités de personnages tous plus burlesques les uns que les autres. Mais pourtant des personnages humains, très humains car marqués par des caractéristiques reconnaissables et attachantes, qui rapprochent le spectateur de ces héros, contraints de participer à une guerre qu’ils rejettent. Ainsi on suit le parcours, ou plutôt l’errance sans fin (mais pour le plaisir du spectateur), d’un chirurgien toujours plus séducteur, d’un timide, d’un dentiste se croyant homosexuel, d’un capitaine sans autorité, d’une infirmière complexée et humiliée…
MASH est avant tout un film de guerre mais sans bataille. Tout le génie du film repose sur la capacité à évoquer l’atrocité et l’infamie des combats, sans jamais la montrer directement, et toujours avec un recul ironique désignant l’absurdité de l’armée, et la capacité de l’homme à se combattre lui-même. On retrouve de nombreux stéréotypes sur les autres films de guerre. Des mêmes plans en hélicoptère, des vues sur la nature dangereuse, des cadavres et corps agonisants. Mais ces effets sont sans cesse détournés intelligemment pour offrir le rire sur ce qui parait horreur. Finalement la seule et unique scène de combat est la sublime séquence finale avec le match de football américain. Tandis qu’aucun ennemi n’apparait durant le film, ici les américains se combattent eux-mêmes et sont leurs propres adversaires. Tout au long du film on ne fait que voir les dégâts de la guerre avec les mourants qui s’enchaînent, dans cette scène on assiste à la bêtise de l’acte qui cause tant de ravages. Et de la même manière qu’une scène de bataille, les corps giclent, les coups violents percutent la caméra, les brancards s’enchaînent.
MASH permet une réécriture de tous les stéréotypes de la culture populaire américaine. Tout d’abord la religion, représentée par le pasteur cocasse et incompétent, qui ne permet jamais de remettre l’ordre dans ce camp, mais ne fait que constater un désordre grandissant. L’’atteinte à la religion est mémorable dans la merveilleuse séquence caricaturant la Cène, où ici le christ est un homosexuel qui va se suicider et se met dans un cercueil devant ces apôtres, des soldats clownesques. Ensuite il y a la critique des médias, avec une radio incessante dans les haut-parleurs qui rythme le film, avec une voix revenant sans cesse sur ses dires (idée de l’inaptitude de certains engagés), et illustrant les images jusqu’à une mise en abîme du film lui-même, rompant le quatrième mur et la frontière entre le réel (et donc la vraie guerre) et le cinéma. La parodie de la hiérarchie et de la politique américaine est évidemment très présente, avec des gradés ridiculisés (comme le personnage Robert Duval), ou plus qu’incompétent (un capitaine ne cessant de coucher avec des femmes sans se soucier du foutoir continuel).
Robert Altman livre donc un véritable bijou du comique burlesque, mêlant différents registres et à l‘origine de situations et de personnages caricaturés à l’extrême, tous plus risibles les uns que les autres. Ce film est un symbole du Nouvel Hollywood, une ode à la joie, à la liberté et à la paix.
r0berto

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