Hasard, probabilité et autres morales pascaliennes

Ma nuit chez Maud nous transporte dans un Clermont-Ferrand provincial et bourgeois où le froid de l'hiver semble favoriser les rencontres. Rencontres fortuites, hasards malheureux ou bienheureux, fatalités de l'amour, tels semblent être les grandes lignes de la prose de Rohmer. Le propos, pour philosophique qu'il soit lorsque Rohmer fait parler ses personnages, est avant tout un dialogue sur les relations amoureuses, sur la façon dont elles se nouent et se dénouent, sur la façon dont elles peuvent, quelques fois, s'entremêler.
Rohmer nous entraine dans un monde où la philosophie, la religion et la rhétorique importent. Il nous entraine dans cet univers lointain que l'on semble regretter alors qu'il n'a sans doute jamais existé ... La diction est lente, mesurée, délicate. Le rythme est tout aussi lent, mesuré et délicat. Comme Maud, on voudrait se lover sur son lit angora et discuter de Pascal une nuit de décembre pour une délicieuse éternité en compagnie d'un inconnu.
La séduction de Maud, qui tient aussi bien à sa beauté qu'à sa voix, irradie sur les collines clermontoises immaculées. En effet, la prestation de Françoise Fabian est sans aucun doute une des raisons qui font de ce film une réussite.
Dans ce Clermont-Ferrand enneigé des années 60' où cohabitent catholiques, communistes et franc-maçons, où l'on se dispute à propos du destin, s'écrit une relation attendue et inattendue qui ne pourra s'achever que loin des frimas hivernaux, sur une plage ensoleillée.