Ma nuit Chez Maud est le 4ème métrage du cycle des « Contes Moraux » d’Eric Rohmer.
Alors avant de parler du film, un petit mot sur ce cycle.
Comme son nom l’indique, les contes moraux sont des contes qui sont toutes des variations autour du thème de l’hésitation et plus particulièrement de celle d’un homme entre deux choix qui s’offrent à lui, souvent entre deux femmes, aux caractères diamétralement opposés.
Nos héros se retrouvent tous confrontés à la tentation, et la question sera de savoir s’il faut faire le choix du désir ou de la raison, celui de la liberté ou de la sécurité, celui du volatile ou du stable.
Ce n’est pas l’action à proprement parler qui fait avancer ces contes. La grande action du film est souvent celle qui conclue le film, celle du choix. L’important de ces films est tout ce qui amène au choix final, tout ce qui pousse le personnage à choisir ou à ne pas choisir.
La raison, le hasard ou un fait concret poussera donc le personnage principal à prendre sa décision ou non. Les films deviennent donc passionnants par tout ce qui se joue au niveau de la « morale » (d’où les contes moraux) qui passe par les dialogues, les situations, les regards, les hésitations… C’est la que tout se joue.
La quête du héros Rohmerien, c'est-à-dire le chemin qui le pousse à choisir avance donc de cette manière.
C’est ce qui rend les films de Rohmer passionnant à voir mais difficile à raconter. Ce n’est pas facile de vendre le film au seul pitch. C’est l’histoire d’un homme qui dort chez sa copine Maud. C’est l’historie d’un homme qui est obsédé par le genou d’une belle adolescente. L’intérêt et « l’action » du film se passe ailleurs. Et l’on ne s’ennuie jamais dans son cinéma si l’on fait le « petit » effort d’accepter de rentrer dans son univers.
De quoi parle «Ma nuit chez Maud » ?
C’est l’histoire d’un ingénieur revenu de l’étranger, qui remarque une jeune femme blonde Françoise qui lui inspire le réconfort, la sécurité, la raison. Il souhaite en faire sa femme jusqu’au soir où il passe sa nuit chez Maud, une brune volatile, indépendante dont il éprouve un fort désir.
Ce film est l’un des films les plus commentés d’Eric Rohmer et je ne vais pas revenir sur toutes les raisons de le voir, sur la justesse des personnages, sur le rapport qu'entretient le film avec Pascal, sur l’intelligence des dialogues, sur la grâce et l’élégance des films de Rohmer… D’autres en parlent bien mieux que moi sur ce site et ailleurs.
J’en parle déjà un peu dans ma description des « Contes moraux », ce film s’applique à ce que je dis plus haut.
Le point qui m’a le plus marqué dans ce film et que je trouve magnifique, c’est que les grandes décisions de sa vie, peuvent se décider, se jouer sur des choses presque invisibles. C’est durant cette nuit qu’il prendra sa décision.
On est ni dans un film ou il se passe 40 000 choses invraisemblables et spectaculaires qui pousserait le héros à choisir une des deux femmes, ni dans un film ou l’on découvre que l’une des deux prétendantes serait plus sournoise et donc bien trop méchante pour le personnage principal.
Ici, il me semble que l’on est assez proche de la vraie vie (ou du moins d’une partie des « vraies vies »), que les choses se jouent à peu de choses, que tout peut se décider en une seule nuit, au détour de quelques échanges et de situations simples et banales.
Qu’un événement presque anodin (une simple nuit) peut avoir des conséquences sur notre existence que l’on est incapable d’évaluer.
Et toute la beauté du film réside dans le dialogue non pas entre plusieurs personnages mais entre deux scènes du film. Celle de la nuit chez Maud et celle de la conclusion finale.
Le dialogue entre cette nuit et cette conclusion se déroulant 5 ans après la nuit chez Maud font de ce film l'un des plus justes et touchants de la filmographie de Rohmer et du cinéma français.