Live and let lie
On peut faire une foule de reproches à Dolan, mais certainement pas celui de l’insincérité. C’est d’ailleurs là l’une des conclusions de ce film, qui enjoint à la jeunesse de vivre dans la vérité :...
le 18 mars 2019
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Si je sors toujours autant bouleversée d’un film réalisé par X. Dolan, c’est probablement parce qu’il vise toujours avec justesse les relations humaines ; Life and Death of John F. Donovan n’échappe pas à cette règle, nonobstant la quantité de défauts que l’on doit se résoudre à lui accorder.
Il convient toutefois de différencier le style, du fond – je suis juriste, on ne se refait pas.
A ne pas s’y tromper, ce 7e film de Xavier Dolan est fidèle à son style : il contient à la fois tout ce que l’on aime et tout ce que l’on déteste, ce qui ne réconciliera pas les détracteurs de son cinéma.
C’est sans surprise que l’on retrouve des plans très rapprochés, des éclairages aux couleurs très contrastées accompagnés d’interludes musicaux qui prennent aux tripes, une photographie léchée intimiste aux teintes orangées, des focales courtes pour flouter l’arrière-plan, une captation intense des regards ; tout cela pour nourrir une étude de personnages approfondie. En cela, et comme toujours, il maîtrise et il le sait.
Je ne peux que reconnaître un fond assez creux. Pour faire simple, un jeune acteur raconte lors d’une interview à une journaliste, la relation épistolaire qu’il a secrètement entretenue pendant plusieurs années de son enfance avec une star d’une série-télé à succès (qui a l’air, au demeurant, d’être une série Z plutôt médiocre).
A cela, une question me vient : à qui s’adresse ce film ? Qui se sent concerné, qui s’identifie à ce genre de personnages, sinon le monde du cinéma lui-même ? S’agit-il d’un film d’entre-soi auprès de l’industrie du cinéma ?
- Je tiens néanmoins à saluer l’effort scénaristique de ce film. A
l’heure où 99,9999999 % des films sont des biopics, tirés d’une
histoire vraie, ou adaptés d’un roman à succès, la création
scénaristique est réduite à peau de chagrin. En cela, merci, aussi
insipide soit le contenu.
Evidemment, les thématiques « Dolanienne » sont toujours présentes : relation mère-fils à la fois aimante et conflictuelle, figure du père absent autrefois abusif, homosexualité, famille à la fois soudée et déchirée,… C’est dans toute cette contradiction que Dolan signe un film sophistiqué.
S’il constitue son 7e film, j’ai eu l’inconfortable sensation qu’il s’agissait de son 1er. « L’œuvre la plus ambitieuse et la plus maîtrisée de X. Dolan » lit-on sur l’affiche du film. Je ne peux qu’être en désaccord avec ce postulat. Sur la forme, tous les curseurs de la « Dolan Corporation » sont poussés à leur paroxysme, comme s’il avait besoin de prouver à la Terre entière qu’il était talentueux.
Ce qui constituait le climax dans ses opus précédents, devient presque des séquences banales dans Donovan ; il use et abuse des ingrédients jusqu’à en vomir : ralentis, gros plan regards, violons, projo orangés, re-ralentis, gros plans regards, musique électronique intense avec beaucoup de basses, re-ralentis, gros plans regards (tiens, j’avais pas remarqué Natalie Portman avait des teintes vertes dans son iris !), et on rajoute une pluie battante, parce que ça manquait de trois cuillères à café de pathos pour être indigeste.
L’un des principaux écueils dans lesquels un réalisateur puisse tomber, est celui de se conforter dans son style, sans que celui-ci n’évolue, en comptant sur la simple fidélité du spectateur pour prospérer. On l’a reproché à bien d’autres avant lui : Burton, Tarantino, Blier, Klapisch, Almodovar, Jeunet,...
La signature d’un réalisateur, c’est comme un cadeau à son public : il crée un lien intimiste, une complicité que l’on retrouve à chaque nouvel opus. Il ne se contente pas de raconter une histoire, mais bien d’y associer un parti pris ; c’est bien pour cela que l’on raconte avec saveur que l’on est « allé voir le dernier Dolan », avant même de parler du contenu du film (et heureusement, vu le contenu de celui-ci …).
Cela expliquerait la raison pour laquelle je ne peux être sévère avec ce film. J’aime toujours autant l’ambiance feutrée de son cinéma qui me fait me sentir chez moi. J’aime toujours les plans face caméra qui transpercent le 4e mur. J’aime à penser qu’il ne filme pas des yeux mais un regard. J’aime à penser qu’il ne filme pas une bouche mais l’émotion qui s’en dégage. J’aime à penser qu’il ne filme pas un silence, mais le secret inavouable que seul le plus attentif pourra déceler.
C’est donc toujours dans les interstices de ses personnages, que Dolan excelle à les sublimer. Alors, pourquoi s’attache-t-il ici à en faire des tonnes, quand il pourrait gagner en élégance ?
Créée
le 25 mars 2019
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