Traducteur Parents/Enfants

Peut-on parler de tout avec les enfants ? Voilà la question qui risque de nous venir à l'esprit à nous, adultes, après avoir vu Ma Vie de Courgette. Il est vrai que le thème du film est particulièrement dur. L'histoire est celle d'Icare, un petit garçon, que sa maman appelle Courgette, qui se retrouve dans un orphelinat suite à la mort accidentelle de celle-ci. Là, il découvrira un nouveau monde, l'amitié, la solidarité et l'amour. Très simple, la trame du film tourne principalement autour de l'abandon des enfants par les parents. Sans jamais les citer, des mots comme alcoolisme, violence ou criminalité sont en permanence en filigrane. Tout cela est-il réellement adapté au jeune publique ?
La réponse est oui, et le film a justement été étudié pour. Le langage cinématographique tourne principalement autour de la perception. De manière générale, un film arrivera à nous faire ressentir de l'empathie pour une personne détestable, à nous émouvoir devant une situation convenue ou à rendre crédibles des scènes invraisemblables. Tout le travail consiste justement à adapter le langage cinématographique au ton et au public auquel l’œuvre est destinée. L'on touche ici à la grande force du film de Claude Barras, son métrage sera perçu totalement différemment par les adultes et par les enfants. C'est clairement à ces derniers qu'il s'adresse et c'est au travers de leurs émotions que le film est raconté. Si certaines scènes peuvent nous mettre mal à l’aise, car nous les abordons avec nos yeux d'adultes, nous avons tendance à oublier que les enfants ont un regard très différent, à la fois plus naïf mais parfois également avec une sensibilité plus directe. Dans une scène par exemple, un des enfants de l'orphelinat explique à ses amis, avec ses mots d'enfant, ce qu'il a vu dans un film pour adulte de ses parents. Si de notre côté l'on ressent comme une gêne, tous les enfants présents dans la salle étaient morts de rire.
Pour porter son sujet, Barras (ndlr : réalisateur) a eu la bonne idée d'utiliser le mode d'animation le plus enfantin et dédramatisant qui soit : la stop motion à base de plasticine ! Extrêmement cartoonesque et en lien direct avec leur propre jeu d'enfant, cette technique renvoie directement au langage de l'image dont je parlais précédemment. Si l'on veut faire manger à des enfants des aliments qu'ils détestent, nous allons essayer d'en masquer l'aspect pour tenter de les rendre plus appétissants. Et bien la Stop Motion est utilisée de la même manière ici, les images qu'ils voient les renvoyant directement au jeu, à l'humour et à la douceur. Ils aborderont directement le film sous un regard complice et approbateur. Les situations humoristiques, l'histoire d'amitié et d'amour prennent clairement le pas sur le côté mélodramatique à leurs yeux.
Ma Vie de Courgette est un peu le film pédagogique par excellence. Il n'est pas forcément adapté au plus jeune (je dirais à partir de 8 ans) car il suscitera chez eux des questions pour lesquelles ils n'ont pas forcément la maturité de comprendre les réponses. Mais pour les plus grands, il s'agit d'un formidable outil pour pouvoir aborder, en leur compagnie, des sujets importants et qui les touchent. L'on pourrait juste regretter que l’œuvre n'ait pas bénéficié de plus de moyens. Pour surmonter ces limites financières, le film a été obligé de réduire sa durée au maximum. Et sur les - seulement - 66 minutes que compte le film, l'on devine facilement que l'intrigue a dû être écourtée. Ainsi, sur les différents enfants de l'orphelinat, seul Courgette, Camille et Victor sont véritablement développés. Cela ne suffit certes pas à gâcher la réussite de l'ensemble, mais il faut reconnaître que c'est parfois frustrant. Tiens, la frustration ... Voilà bien le sentiment de l'enfance par excellence ! La boucle est bouclée, me semble-t-il ...

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