2 génies se conjuguent dans cette adaptation de Macbeth, celui de Shakespeare et celui d’Orson Welles.
Welles a compris et nous dévoile le secret de la puissance de cette tragédie et le sens profond du merveilleux shakespearien.
Le monde de Shakespeare est habité , hanté, par des puissances infernales, des sorcières et des démons, mais leur présence et leur rapport au monde n’est pas celui du christianisme, de la lutte du Bien contre le Mal.
Les sorcières de Macbeth nous renvoient aux sources grecques de la tragédie, à ce paganisme que l’on a en vain tenté d’arracher de la mémoire des hommes.
Les sorcières de Macbeth sont des figures vivantes, familières de la conscience collective du siècle de Shakespeare, leur domaine est celui de la lande anglaise, de cet espace sauvage encore habité par les esprits et les fées.
Macbeth est une incarnation de la puissance, de la puissance dévorée et trahie par elle même, les sorcières ne font que mettre en branle la puissance de tragédie qui était en lui ; Comme le Iago d’Othello, le crime est sa seconde et véritable naissance, celle par laquelle il va accomplir son destin.
Cette naissance est aussi une naissance douloureuse et c’est le génie de Shakespeare d’avoir montré avec tant de force le doute qui saisit Macbeth, la mesure qu’il prend de toute l’horreur du geste qu’il va accomplir.
Cette mise en scène du doute qui saisit Macbeth a aussi une autre fonction , celle de nous montrer que Macbeth n’agit pas, ou pas seulement sous le coup de la pulsion meurtrère, sa culpabilité est totale dans ce crime qu’il endosse en toute conscience, dans un ultime et douloureux basculement où il s’arrache de toutes les conventions humaines.;
L’ autre grand personnage de la tragédie est Lady Macbeth, une grande figure féminine qui sans jamais trembler aura la force du crime et l’insufflera à son époux.
C’est l’une des caractéristiques que l’on retrouve dans toutes les pièces de Shakespeare, les personnages féminins ne sont jamais secondaires, ils ne sont pas non plus limités par les attributs convenus de la féminité
Lady Macbeth a la force, la conviction, l’ambition, elle épouse et accepte d’emblée toute l’horreur qui fait un instant reculer le guerrier.
Macbeth, trompé et trahi par les sorcières, à l’instant de sa mort reprend sa condition humaine et nous devient à nouveau familier. Vaincu et brisé par un Destin qui s’est joué de lui, il trouve les mots pour exprimer la condition humaine. Lui, le criminel, le maudit, celui qui a franchi toutes les limites de la démesure, il devient ce pauvre comédien qui se pavane pendant son heure et qu’ensuite on n’entend plus.
Extraits choisis
LADY MACBETH, seule, continuant
Le corbeau lui-même s’est enroué — à croasser l’entrée fatale de Duncan — sous mes créneaux. Venez, venez, esprits — qui assistez les pensées meurtrières ! Désexez-moi ici, — et, du crâne au talon, remplissez-moi toute — de la plus atroce cruauté. Épaississez mon sang, — fermez en moi tout accès, tout passage au remords ; — qu’aucun retour compatissant de la nature — n’ébranle ma volonté farouche et ne s’interpose — entre elle et l’exécution ! Venez à mes mamelles de femme, — et changez mon lait en fiel, vous, ministres du meurtre, — quel que soit le lieu où, invisibles substances, — vous aidiez à la violation de la nature. Viens, nuit épaisse, — et enveloppe-toi de la plus sombre fumée de l’enfer : — que mon couteau aigu ne voie pas la blessure qu’il va faire ; — et que le ciel ne puisse pas poindre à travers le linceul des ténèbres, — et me crier : Arrête ! arrête !
MACBETH
— Il m’a semblé entendre une voix crier : « Ne dors plus ! — Macbeth a tué le sommeil ! » Le sommeil innocent, — le sommeil qui démêle l’écheveau embrouillé du souci, — le sommeil, mort de la vie de chaque jour, bain du labeur douloureux, — baume des âmes blessées, second service de la grande nature, — aliment suprême du banquet de la vie !
LADY MACBETH
Que voulez-vous dire ?
MACBETH
— Et cette voix criait toujours par toute la maison : Ne dors plus ! — Glamis a tué le sommeil ; et aussi Cawdor — ne dormira plus, Macbeth ne dormira plus !