Tempête sous une tête couronnée.
En bisbille avec Hollywood, l'acteur / cinéaste Orson Welles décide de partir tourner son adaptation du "Macbeth" de William Shakespeare dans son coin, pour le compte de Republic Pictures. S'éternisant au montage (tourné en vingt et un jours, le film ne sera près qu'un an plus tard), Welles se voit dans l'obligation d'amputer son oeuvre de vingt bonnes minutes, avant qu'une restauration ne réintègre ces séquences quelques années plus tard.
Délaissant toute reconstitution spectaculaire au profit d'une approche volontairement théâtrale, Welles construit ainsi son film à partir de décors de carton-pâte, de jeux de lumières et de fumée, se rapprochant davantage du cinéma européen bricolé que du grand spectacle hollywoodien.
Bien qu'enveloppant son film sous des atours désuets, le cinéaste fait une fois de plus preuve d'un modernisme incroyable dans sa mise en scène, ayant recours plus d'une fois au plan-séquence, empruntant à l'expressionnisme allemand son atmosphère par instant surréaliste, mettant en boîte des images absolument magnifiques, proche du conte.
Il en va de même pour le traitement d'un genre bien souvent englué dans un académisme ronflant, mais d'où Welles parvient à s'extirper avec une flamboyance certaine. La pièce de Shakespeare retrouve ainsi, sous la caméra du créateur de "Citizen Kane", toute son ambigüité amorale, son parfum de souffre et sa schizophrénie, plongée à la lisière du surnaturel dans la folie de deux amants criminels prêts à tout pour le pouvoir.
De par son rythme extrêmement lent, de par sa nature d'oeuvre introspective, le "Macbeth" de Welles pourra paraître abscons, difficile à aborder. Peut-être, mais l'ignorer serait passer à côté d'une adaptation riche et passionnante, à l'image de son auteur.