La chasse au fou
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La trame épouse assez fidèlement la forme fragmentaire de la biographie de notre bushranger (criminel opérant depuis le milieu sauvage australien), sauf sur un point : ses multiples acolytes temporaires ont été remplacés par le fictif Billy, aborigène interprété par David Gulpilil, qui soigne une blessure par balle réellement subie par Morgan. Dans la période où vécut Morgan (1830-1865), qui suivit la phase la plus violente des conflits entre aborigènes et colons Anglais, surnommée "guerre noire", il n'y avait rien d'improbable à la rencontre avec un survivant d'une tribu massacrée dans son enfance pour avoir volé du bétail; métis de père européen, quand les femmes blanches étaient quasiment absentes d'un continent où la vie était âpre et incertaine pour des pionniers qui violaient impunément les femmes "locales". Pionniers qui étaient souvent comme les parents de Morgan, un Irlandais (probablement un prisonnier politique) et une prostituée exilés là par la couronne anglaise.
Parce qu'il jouait les Robin des Bois en s'attaquant de préférence aux propriétaires exploiteurs, Morgan bénéficiait de la sympathie d'une partie de la population. Il se rapprochait des anti-héros du "western révisionniste" américain.
Comme le Gaucher d'Arthur Penn, le Morgan de ce film est un jeune tourmenté, inadapté à une société rude dont il subit la violence avant de la retourner contre elle (on le voit marqué au fer et violé lors de son long séjour en prison).
Le parcours nihiliste de ce personnage autodestructeur se traduit par une image plus brute que dans Pat Garrett & Billy le Kid ; l'intrigue décousue collant à sa biographie lacunaire exprime aussi la confusion mentale grandissante d'un bandit courtois aux imprévisibles accès de violence.
La scène de massacre d'une fumerie d'opium par une milice populaire, l'une des expériences traumatisantes fondatrices du futur "Mad Dog", n'a pourtant pas de base biographique connue ; mais elle rend compte de la présence chinoise dès cette époque, et du racisme à leur égard. Elle évoque aussi les raids "punitifs" pratiqués par les colons sur les aborigènes; et le sort global de ceux qui lorsqu'ils ne sont pas tués sur le champ sont parqués pour mourir à petit feu (traitement que continuent à ce jour à subir pauvres et ethnies indésirables). Le parallèle avec les circonstances du "processus civilisateur" de l'Amérique est évident ; comme avec sa représentation dans un film tel que Little Big Man.
Billy le natif offre à Morgan une mort sous le sceau de l'animisme, écho paien à la figure christique finale du Billy le Kid de Peckinpah. Revêtu de la peau de son animal totem en voie d'éradication, le thylacine ou diable de Tasmanie, Morgan contemple ce "beau jour" (pour mourir?), et s'offrant aux balles des miliciens embusqués, partage le sort des victimes des génocides.
Un photographe convoitait son portrait; opportunisme médiatique qui commence alors à relayer la fabrication populaire des légendes. Il n'aura finalement accès qu'a son cadavre, mis en scène dans deux photos qui nous sont parvenues, et qui peuvent évoquer celle de Guevara.
Le personnage du gouverneur (?) exprime la mentalité des dominants de l'époque, disant préférer les chiens aux hommes (mais le surnom du personnage principal ne nous rappelle-t-il pas qu'un chien maltraité peut se retourner contre son maître?), dissertant sur la proximité de certains hommes avec le gorille, et offrant obligeamment le crâne de Morgan aux "scientifiques" qui assoient leurs thèses racistes sur une caricature de darwinisme.
Un site australien proposant des photos de l'autrice du livre, du cadavre de Morgan, et du tournage.
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le 1 déc. 2019
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