Il s’agit plutôt d’un film anglais underground, à petit budget. Certains le trouveront sûrement totalement idiot, débile ou encore insensé, voire mauvais. Pour ma part, j’apprécie l’absurde et l'humour décalé. C’est une façon, pour les Anglais , d’exorciser les angoisses liées à leur société et de prendre une certaine distance sur des sujets lourds.
C’est d’ailleurs le cas de ce film, qu’il est indispensable de le replacer dans son contexte, pour s’apercevoir qu’il n’est pas si insensé qu’il en a l’air. Il est sorti en 2002. Nous sommes alors en plein scandale dit de la « vache folle ». Des cas d’ESB (Encéphalite Spongiforme Bovine) ont été détectés chez les bovins anglais. Les pauvres animaux ne tiennent plus debout, se tordent au sol, deviennent complètement fous et meurent. Cette maladie touche le cerveau en y faisant des trous, d’où le parallèle avec l’éponge, pleine d’alvéoles. La psychose s’empare de la planète car on craint que cela se transmette à l’homme, ce qui s’avère bien être le cas, des humains déclarant à leur tour cette maladie. Les analyses ont montré que cette affection était due à l’alimentation des bovins. En effet, on s’est aperçu que les farines qu’on leur donnait à manger contenaient non seulement de la viande bovine, mais qu’en plus elles étaient contaminées par la maladie. Scandale : au nom du profit, l’agro-industrie faisait manger de la viande malade à des herbivores, de la viande de bovin sous forme de farine à des bovins. Du cannibalisme organisé à l’échelle industrielle. La planète a donc basculé de la psychose à l’hystérie horrifiée. Les artistes anglais se sont rapidement fait les porte-voix des peuples choqués, en proposant des œuvres d’art volontairement provocantes et scandaleuses. Damien Hirst qui a exposé dans de gigantesques bocaux de formol, des vaches coupées en deux dans le sens de la longueur, pour dénoncer la froideur inhumaine de la recherche agro-industrielle. Les frères Chapman ont proposé des sculptures d’enfant mutants ou des scènes atroces de cadavres mutant en décomposition.
Bref. C’est dans ce contexte tragique et violent que le film prend sa source. Le parallèle avec la réalité est flagrant, puisque le film s’ouvre sur une pandémie touchant les chiens, qui deviennent fous. Dans cette fiction, le gouvernement anglais décide de faire abattre tous les canidés et de condamner lourdement toute personne qui chercherait à les cacher et les protéger. Le réalisateur met la réalité en abîme, ainsi que la folie de l’Humanité et la violence qui l’accompagne.
C’est dans cette ambiance que Rabbie, un marginal schizophrène (toujours le parallèle avec la maladie de l’ESB et la folie de l’Humanité), est obligé de quitter l’hôpital psychiatrique dans lequel il séjourne. Son psychiatre considère qu’il est guéri, puisqu’il n’entend plus de voix. Mais, à peine sorti, des voix l’interpellent au travers des haut-parleurs du métro ou des épiceries. Réfugié chez lui, un homme à tête de porc s’adresse à lui via la télévision. Ce mutant lui indique qu’il a été choisi par l’Être Suprême (Dieu), pour sauver la planète de la folie de l’Homme. Il a 30 heures pour dissuader des scientifiques de mener à terme une expérience secrète sous une montagne de l’Utah (aux USA). Rabbie s’indigne, estimant qu’il n’est personne et qu’il ne sera jamais entendu à temps. Mais l’Être Suprême, qui finit par lui apparaître en direct sur l’écran, lui indique qu’il n’a pas le choix. S’il ne réussit pas, l’Humanité sera détruite. Elle avait pourtant été prévenue, par le récit de l’Apocalypse auquel il invite à se référer.
Rabbie, pense tout d’abord que tout est le fait de sa schizophrénie. Mais, dans le doute, aidé de deux amis et poursuivi par les services secrets américains, il tente d’accomplir sa mission. Le temps presse, car les morts commencent à sortir des cimetières, que la police tente, en vain, d’encercler pour contenir ce nouveau fléau. Ironie du réalisateur qui montre à la fois la bêtise de l’État, qui ne fait que réprimer en tuant, mais aussi son inadaptation à répondre aux situations de crises, puisqu’il est impossible de tuer des morts...
S’ensuivent des aventures abracadabrantesques et totalement délirantes. En tant que spectateur, nous doutons : ce mec est fou et il est en proie à une grave crise. Mais, le réalisateur nous interroge : qui est réellement fou ? Rabbie ou bien l’Humanité qui, au nom du profit et de la politique, a totalement perdue la raison en permettant des pratiques abominables ?