Un maître Feng Shui en lutte contre ses tourments intérieurs se met en tête de sauver un psychopathe de ses velléités homicidaires, tandis qu'un tueur en série de prostituées sévit dans le quartier malgré les maraudes policières. Comédie (?) ténébreuse et vicelarde, Mad Fate est sans doute le film le plus brindezingue que j'ai vu cette année. Soi Cheang anime ses petits personnages tous plus fracassés les uns que les autres dans un huis clos de bas-fonds urbains et souvent pluvieux, pervertissant autant que possible tous les points de repère moraux comme s'il fallait faire entrer en collision le yin et le yang. Les bienveillants sont au bord de la folie furieuse, les meurtriers peuvent venir en aide à leur prochain, la police est pro-active mais constituée d'éclopés (dont un commissaire lookalike improbable d'Edwy Plenel), le monde de la nuit est aussi rose bonbon que sordide et les chats sont des créatures mystiques (la faute aux CGI ?).
Et tout cela est traité avec une surcouche humoristique qui ne désamorce en rien la violence des situations et le sentiment d'absurdité de cette comédie humaine. Mad Fate est un pur film de contraste qui laisse souvent le spectateur incertain de qu'il est censé ressentir, comme un écho au cinéma coréen (y compris dans l'interprétation). Il est aussi très dense en séquences marquantes (sacrés rituels Feng Shui dingos !), et son approche de lutte contre le destin, force facétieuse et tyrannique quasi-incarnée à l'écran, m'a beaucoup plu. On sort de la séance éreintée et un peu confus, avec le besoin de laisser retomber le chaos... et le sifflement du Pont de la rivière Kwaï en tête.