⚠️ Une maintenance est prévue ce Mercredi 4 décembre de 9h00 à 13h. Le site sera inacessible pendant cette période.

Mad God
7.1
Mad God

Long-métrage d'animation de Phil Tippett (2021)

Les ruines funèbres, fils du trépas.

Il est de certains projets qui sommeillent si longtemps dans un cerveau qu’on peut craindre de les voir confrontés au monde extérieur. Ainsi de ce Mad God, conçu dans les années 80 par Phil Tippet, célèbre directeur d’effets visuels depuis Star Wars en 1977, connu pour ses animations de maquettes en go motion. Muri pendant des décennies, le film n’a pu se faire que par le recours au financement participatif ; ce qui peut se comprendre, au vu de la radicalité du dispositif, et de l’absence de toute concession aux standards qui pourraient encourager un studio à y voir un potentiel retour sur investissement.


Mad God est un cauchemar visuel, une odyssée dénuée de langage, où tout passe par l’immersion dans un décor de fin du monde, dans un univers qui ressemblerait à une gigantesque décharge où les machines auraient pris le contrôle. La référence à Terminator 2 est clairement assumée dans une séquence, mais ne privilégie pas pour autant l’action et la dynamique du chaos : c’est davantage l’après qui intéresse le créateur, vaste champ de ruine qui ne laisse aucune possibilité à l’espoir, sorte de dystopie qui oscillerait entre la dévoration industrielle de Metropolis ou Brazil, et la noirceur décadente d’Il est difficile d’être un dieu, qui partage avec lui cette enfilade infinie de décors où les restes d’une civilisation n’en finissent pas de se consumer. L’imagerie souvent violente, voire gore, convoque d’autres univers cauchemardesques, comme l’œuvre plastique de Lynch (ses sculptures pour les silhouettes en fil, la créature d’Eraserhead) ou la saga Alien, faisant régulièrement basculer la dystopie vers des délires purement organiques et assez dérangeants.


Si la gratuité de certaines successions de tableaux peut questionner à certains moments, et donne le sentiment d’un assemblage manquant parfois de cohérence générale, force est de reconnaître que Tippet sait donner vie à son univers, où tout ne fonctionne que par le mouvement. C’est là que se situe le véritable pouvoir de fascination de ce trajet d’un aventurier s’enfonçant vers les profondeurs d’un monde dont les fondations se dérobent toujours davantage, dans un diversité et une inventivité folle (les monolithes mobiles, les parois, les jeux de lumière) : l’effroi croît à mesure que cette odyssée sans retour s’approfondit, en troublant tous les repères des proportions lorsqu’elle se poursuit à l’intérieur d’un cerveau, voire du temps et de la genèse d’un nouveau ou ancien monde. Il n’est pas évident de faire oublier le dispositif de la stop motion, qui consiste bien souvent à provoquer l’émerveillement de voir s’animer des créatures habituellement inertes : Tippet y parvient, avec le tour de force d’aller chercher les zones les plus effroyablement obscures de nos enfances.

Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films dystopiques, Les meilleurs films en stop-motion et Vu en 2023

Créée

le 29 avr. 2023

Critique lue 939 fois

26 j'aime

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 939 fois

26

D'autres avis sur Mad God

Mad God
Aude_L
5

Doing doing doing doing...

Mad God est une expérience, et ce n'est pas parce qu'on ne l'a subjectivement pas appréciée, qu'on ne vous recommande pas de la vivre. Au mieux, vous serez subjugué par ce mélange de sadisme assumé,...

le 8 avr. 2023

35 j'aime

Mad God
Voracinéphile
8

La divinité humaine

Mad God est un film muet, fragmenté, fleuve, bâti comme un récit d'exploration aventureuse flirtant régulièrement avec différents sous genres de l'horreur. C'est aussi un film sans protagoniste...

le 31 janv. 2022

28 j'aime

1

Mad God
Sergent_Pepper
7

Les ruines funèbres, fils du trépas.

Il est de certains projets qui sommeillent si longtemps dans un cerveau qu’on peut craindre de les voir confrontés au monde extérieur. Ainsi de ce Mad God, conçu dans les années 80 par Phil Tippet,...

le 29 avr. 2023

26 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

618 j'aime

53