Mad God est une expérience, et ce n'est pas parce qu'on ne l'a subjectivement pas appréciée, qu'on ne vous recommande pas de la vivre. Au mieux, vous serez subjugué par ce mélange de sadisme assumé, d'animation en stop-motion qui a coûté tout de même 30 ans à Phil Tippett (superviseur des effets visuels pour quelques films populaires comme Jurassic Park, Star Wars, Starship Troopers, mais aussi pour la saga Twilight...), et de métaphore filée de l'Enfer (monstres ignobles, Première et Seconde Guerres Mondiales, esclavage...). Au pire, vous aurez, comme nous, fait quelques pas en-dehors de votre zone de confort, vous saurez ce que vous n'aimez pas dans le cinéma (pour nous : le pré-mâchage abrutissant de cette œuvre, qui ne nous fait pas réfléchir, mais rend notre dissertation à notre place... Le film de chevet pour les étudiants de cinéma de première année), bref, vous vous rappellerez au moins que le cinéma c'est aussi faire des rencontres qui nous déçoivent tout en nous apprenant à construire notre réflexion. On ne détestera pas fondamentalement ce Mad God (qu'on ne cesse de recommander depuis, "pour la science" comme on dit), lui adressant même un respect poli, pour la quantité de travail colossale abattue par le Monsieur pendant des décennies, et ayant fait l'effort de mélanger plusieurs formes d'art visuel pour varier un peu (animation en stop-motion, marionnettes, acteurs réels...). En revanche, là où Phill Tippett nous a perdu irrémédiablement, c'est sur son discours frontal, dénué de la moindre once de finesse, qui nous a fait passer 1h17 interminables. On soupirait à chaque image d’Épinal qui nous rappelait outrancièrement que "l'Enfer, c'est les deux Guerres Mondiales" : le gros plan sur la croix noire sur fond rouge (dans la carte au trésor, ce qui n'a rien à faire là, et nous sort donc de l'intrigue un instant), la Jeep, les tanks, le casque allemand, le masque à gaz, les gens qui hurlent au haut-parleur, les travailleurs sacrifiés, le docteur Mengele... On avait pourtant compris dès le tas de valises, reflets tristes et poétiques de vies qui se sont arrêtées là (mais c'est un tout autre film... Si un animateur épris de finesse et de belle dramaturgie nous lit...), mais non, Tippett pense qu'on a 4 ans, il surligne tout. A cela, il ajoute de grossiers effets sonores qui pensent aussi à notre place : il faut que le spectateur soit oppressé (alors mettons des cris saturants l'espace sonore), il faut que la scène de torture du docteur fou soit mal vécue par le spectateur (alors mettons un infernal "doing, doing, doing, doing..." en unique piste musicale... Au 137ème "doing", on était incrédule sur la patience de bouddhiste que demandait ce film, tandis que bon nombre de personnes se sont tout simplement levées pour fuir cette "doingerie" mixée à de la confiture balancée gaiment sur les murs... Ah, finesse, ah maturité...). On se sera tiré (pas de la salle, on a des principes) de notre apathie lors de la scène de tirs entre les tanks, puisqu'on y reconnaît un lointain cousin des effets de Star Wars, que le petit bonhomme impassible qui traverse la tourmente comme si de rien n'était, ça nous plaît bien, et que Tippett a ajouté quelques paillettes aux explosions miniatures, ce qui est visuellement très beau. Il s'agit de la partie du milieu, soit le deuxième court-métrage, puisque Mad God est la réunion de trois courts éponymes déjà sortis, collés ensemble sans aucune idée de transition, ce qui ajoute au peu d'intérêt narratif qu'on y a trouvé : on passe d'une histoire à une autre totalement différente sans comprendre où sont les début et fin respectifs, on s'intéresse à une sous-intrigue et finalement on ne sait même pas ce qu'elle devient (la chasse au trésor ? Le petit bonhomme dans sa Jeep ? C'était le seul passage qui nous intéressait...), on a plus l'impression d'avoir vu un patchwork mal rapiécé qu'un film cohérent. Enfin, et on sait que beaucoup ne seront pas d'accord (on n'a pas les mêmes sensibilités), mais les scènes de sadisme comique nous ont blasé, avec une mention pour la scène de
l'éviscération "confiote" du Docteur qui nous a paru durer à l'infini (doing doing doing doing), et l'araignée qui mange la bestiole bariolée sous les yeux de son ami, on n'a pas ri
... On trouve cela plus que puéril, mais on sait que d'autres ont de l'appétit pour cela, alors : voyez vous-même. Pour notre part, Mad God est visuellement très beau, et représente une masse de travail d'un homme passionné qui nous force le respect, mais pour le reste : doing doing doing doing...