Qu’il est étrange de rentrer dans une salle Suisse projetant Mad Heidi! Quelques minutes avant le film, nous retrouvons des jeunes, des vieux, des amateurs et des cinéphiles, des couples, des groupes d’amis barbus et une ou deux personnes accompagnées de sièges vides et surtout, des groupes ayant abandonné la salle, trop sage et bourgeoise, il y a fort longtemps. Certains quittent la salle durant la séance, d’autres célèbrent d’une acclamation leur courte apparition: ils sont la star d’une seconde puis retournent dans l’anonymat de la salle obscure. Il n’est alors plus possible de dire que Mad Heidi est réservé à un public de niche. L’incongruité du spectacle parvient à mobiliser un nouveau public, se mêlant au cinéphile habitué des curiosités du genre. Mais qu’a à nous offrir celle-ci ?
Heidi (Alice Lucy) vit avec son grand-père (David Schofield) dans l’insouciance d’une campagne alpine où l’herbe est toujours verte et où les chèvres se gardent toutes seules. Le jour où Peter le chevrier (Kel Matsena) est tué, Heidi comprend qu’elle doit s’élever contre la tyrannie du terrible présidentissime de la nation suisse Meili (Casper Van Dien). En partant de ce postulat, le film se veut plus loufoque que parodique. Il a l’intelligence d’utiliser le mythe d’Heidi comme une inspiration qu’il détourne rapidement.
De même pour les références du «Swiss» de «Swissploitation», qui ponctuent le film avec une bonhomie et une grossièreté qui fait plaisir à voir sur un écran de cinéma, mais qui ne sont pas seules à remplir la fonction comique comme on aurait pu le craindre. Le film ne se repose pas seulement sur sa signature et se perd avec plaisir dans ses idées de mise en scène burlesque.
Pourtant, il y a un mythe dont Mad Heidi ne parvient pas à s’émanciper: celui du héros aux mille et un visages. En voulant raconter les origines de cette version de Heidi, le film s’embourbe dans la narration la plus simple et classique possible, un vu et revu bien dommageable à la volonté de nouveauté qu’il revendique. Cette structure débouche notamment sur une partie bien trop longue où Heidi est enfermée et se contente de subir quelques chastes brutalités. S’ensuit une laborieuse quête de liberté jusqu’à parvenir à la fuite libératrice qui permet enfin à Heidi de devenir un mille et deuxième visage, une énième copie de toutes les histoires de vengeance connues depuis Némésis. En 2022, on aurait aimé voir une héroïne plus indépendante.
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