L'Australie, c'est pas facile à vendre. Faut bien avouer que c'est un bout de monde qui fait pas spécialement envie tant il a la réputation d'y proliférer quelques unes des créatures les plus nocives pour l'homme. Et ce, sans même compter les Australiens eux-même ! Tenez, prenez Mad Max. Ancêtre du film post-apo, un poil fauché, il se piquait donc d'éviter les déserts thermonucléaires tout de suite et préférait montrer le monde alors qu'il n'y avait plus beaucoup de justice. Et plus beaucoup d'état. Voire même plus du tout de gestion nationale. Du coup, on se retrouvait avec des flics cowboys qui faisaient régner la loi sur leur petit coin d'interstate. Et franchement, quand on voit la réaction de l'australien moyen dans ce cas de figure, ça fout un peu les j'tons ! A peine la télé avait-elle cessé qu'aussitôt, l'australien se maquillait comme une voiture volée, piquait tout le cuire de sa gonzesse, chevaucheait sa voiture et allait libérer la mort et l'anarchie sur les routes. J'te jure, ça fait vachement envie d'y aller, là, dans vot' pays de barbare !
Max Rockatansky donc, campé par un Mel Gibson tellement jeune que c'en est indécent, est un de ces flics de l'asphalt dans un pays qui comprend apparemment plus de nationales que d'habitants. Un de ces flics un peu à la dur, avec lunettes de soleil et fusil à canon scié, qui règle le problème en envoyant ad patres tous ces pirates qui s’ingénient à maintenir la population dans la crainte. Le genre de gars un peu à cheval sur le code de la route, qui te laisse brûler dans ta caisse parce que tu as zappé un clignotant en sortant d'un rond-point (cela dit, je le comprends, je ferais pareil, quand j'arrivais à rattraper ladite voiture !). Seulement voilà, après avoir raccompagné auprès du créateur l'auto-proclamé "Aigle de la route", sa juridiction reçoit la visite du frangin, leader d'un gang de tarés à la sexualité très discutable, qui vient réclamer vengeance et glam-rock. Les braves gens ont un agenda assez chargé mais décident quand même d'expliquer à Max - qui n'est pas encore Mad - leurs avis sur son application de la justice. On se doute, ils ont des arguments frappant, qui interpellent Max au point que ce dernier décide d'entrer dans une modeste rage sanguinaire et d'humblement appliquer son fort funeste courroux sur ces malandrins. Bien fait.
Avant tout, Mad Max est le fer de lance de M'sieur Miller pour imposer un putain d'univers post-apo (qui a quand même connu moult évolutions à travers les opus) et de montrer qu'en Australie, outre un pays qui peut te tuer d'un seul brin d'herbe, on a aussi du talent. Parce qu'il faut savoir que ce Mad Max, ouais, je le porte dans mon coeur, oh putain que oui. Bon, il est campé dans l'enfer des années 80, où les stylistes retenus sur le plateau étaient tous fous et contagieux, puisqu'ils avaient réussi à faire perdre l'esprit aux coiffeurs. Mais on s'en moque, avant tout, y'a l'ambiance. Parce que ce premier Mad Max suinte d'une ambiance étrange. Le second opus tranche directement, ce sera post-apo, avec un personnage presque muet pendant tout le film. Mais celui-ci n'a pas encore le pied totalement dedans. C'est rempli ras la gueule de campagnes poussiéreuses, de longues routes sinueuses, c'est balayé par un vent brûlant qui n'a rien encore d'irradié. Comme le disait un ami, c'est finalement bien plus l'anarchie que le post-apo, à tel point que le second opus marquera plus clairement les esprits pour imposer un univers plus proche de ce que la saga a laissé dans les mémoires. C'est pourtant vachement dommage parce qu'on a déjà énormément de quoi faire ici.
Alors ok, le récit est somme toute assez lent à se mettre en place, les éléments sont donnés progressivement et pour n'importe quel spectateur contemporain, ça s'étire horriblement dans le temps. C'est sûr qu'en comparaison, le final semble trop rapide mais en même temps, je n'ai jamais réussi à me figurer ce métrage que comme une sorte de préquelle au deuxième opus. Comme s'il avait été pensé en négatif du second. Je veux dire par là, dans celui-ci, Max est vivant, il est lié à son épouse et à son enfant, il parle, mais c'est bien souvent le monde qui est silencieux, empli de poussière et parfois, des vociférations des gangers. On voit encore un peu d'herbe et des êtres humains qui, même s'ils ne te connaissent pas, n'iront pas te planter un couteau pour voler ta voiture. Bizarrement, je venais de m'enquiller Fallout 2 quand j'ai découvert Mad Max premier et ça avait, à l'époque, juste pulvérisé mes attentes. Ca ne parlait en rien de ce que j'attendais, mais je trouvais ça d'autant plus fascinant. Et puis, il y a, quand même, le charisme de Mel Gibson, une véritable boule électrique, avec un regard acier assez troublant. On oublierait presque que ce premier jet du film post-apo se révèle être tout autant l'ancêtre de ce canevas vu et revu après dans les vertes contrées d'Aise : j'ai nommé l'histoire du Taciturne revanchard. Or donc, avec l'emblématique "A Bittersweet Life", les histoires de Taciturne ont eu le vent en poupe. Mais pourtant, celle de Mad Max est souvent oublié alors qu'on tient là pourtant le papa de toutes, qui amorce les éléments les plus récurrents : le héros mutique mais extrêmement doué dans ce qu'il fait (à savoir tuer) qui décide de quitter son job par amour. Bon, après coup, ce sera le patron du héros qui enverra à sa suite des tueurs, ici, un gang totalement fou qui veut absolument emmerder le pauvre Max.
Conclusion : le deuxième opus est forcément un poil plus connu et plus apprécié il n'empêche que ce premier volet de l'emblématique saga reste malgré tout un de mes films favoris. Poussiéreux, fiévreux et bientôt grondant de colère, silencieux comme un diable écrasé par l'ampleur de sa folie, Mad Max est clairement un épisode qui sait aller où il veut, constituant le tableau d'une société au bord du néant et décrivant la vie quotidienne de ces survivants d'une Australie en pleine déliquescence. Un véritable maître-étalon qui met la barre si haut que les productions futures misèreront pour arriver à imposer quelque chose qui n'évoque pas les déboires un fou-furieux équipé d'une Interceptor, oeuvrant dans les déserts d'un monde agonisant.