Diesel & Dust
Mad Max, c’est un genre qui s’assume totalement, se déploie et explose dans une longue et puissante décharge. Sur un scénario qui ne s’embarrasse pas d’originalité, Miller propose un western punk...
le 21 nov. 2013
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6
21/05/15.
Le quatrième volet débarquant sur nos écrans, il me fallait me replonger dans cette drôle de franchise australienne. A raison de multiples visionnages ado, Mad Max est l’un de ces films que je connais par cœur, dans le moindre de ses enchainements, ses quelques punchlines bien troussées, son ambiance sonore signée Brian May, son tempo bien à lui, sa moiteur, sa cruauté, l’hystérie de l’aigle, l’indomptable chirurgien, la coolitude de Jim le gorille, la beauté solaire de Jessie, le blondinet mécanique Bubba, l’infantile Johnny, la main de Cundalini. Bref, je le connais bien (je cite les noms francisés puisque c’est ainsi que le film a dessiné pour moi une aura culte, quand bien même je le revois dorénavant en version originale). J’aime beaucoup que le film ne dise rien de cette société post-apocalyptique, que l’on puisse seulement discerner que la Police est remplacée par une institution un peu floue nommée MFP, que tout converge vers un « Hall of justice » complètement délabré, que le cadre ne soit que ruines, routes et plages sans fin.
Le film est extrêmement peu inspiré sur bien des points – refus de l’étirement de la séquence, hormis la scène d’introduction, construction approximative, dialogues bateau, virages attendus, incohérences de scénario. Il séduit pourtant dans sa manière à peindre un futur proche indéchiffrable, aussi réel qu’apocalyptique. A la fois post-moderne et moyenâgeux. Un western avec des caisses de flics improbables (fameuses Interceptor) et motos monstrueuses. Il y a quelque chose de vraiment sale là-dedans. Qui ne correspond pas à grand-chose sans pour autant que l’on exagère son apparent anachronisme, qui ne vogue pas non plus sur des standards, n’entre dans aucune case. C’est troublant. L’histoire est futile puisqu’il n’y a plus d’histoire à écrire. Ne reste que des brutes, hors du monde et du temps, motards sans but, flics désabusés, asphalte à perte de vue et essence à siphonner. Et Max au milieu, détaché parce que davantage dans notre dimension, plongé dans un vrai questionnement intime et professionnel, avant qu’on ne vienne y troubler la bête qui sommeille en lui. C’est l’histoire d’une ultime transformation, d’un prélude au chaos.
Je suis fasciné par une chose qui sans doute ne me sautait pas aux yeux avant, c’est toute cette violence, sèche, sale, autour de laquelle le récit s’organise. Ce n’est pas ostensiblement violent, très souvent le manque de budget condamne le film à opter pour le hors champ, à l’image de la mort de Goose ou de l’agression sur le couple à la voiture rouge. C’est une violence de mise en scène. Une manière d’ancrer systématiquement la séquence dans le réel en la rendant la plus malsaine possible. Il faut voir à ce titre le nombre de scènes avec des enfants. Miller est fasciné par cette dichotomie entre l’absolu innocence d’un côté et l’horreur paroxystique de l’autre. Dans la course poursuite d’intro il y a ce moment ignoble où un bambin s’échappe de sa poussette et se retrouve esseulé sur l’asphalte sur laquelle surgissent ces bolides terrifiants – Le véhicule quel qu’il soit n’aura jamais été aussi sale que dans Mad Max. Les plans alternant le visage de l’enfant, le pare-chocs des voitures et la langue de Night rider sont terribles. On n’avait rarement poussé le nihilisme à un tel point d’abjection.
Et le film est extra fluide, construit en toute simplicité, créant le vide (forcément imposé financièrement) autour des personnages, créant du même coup une ambiance hyper angoissante. Bifurquant parfois où on l’attend et parfois totalement en rupture. La vengeance finale par exemple, est extrêmement brève, dilapidée dans la noirceur ultime dégagée par cette image de chausson de bébé abandonné sur le bitume. Il n’y a pas de jouissance. Toecutter meurt vite. Seule la mort de Johnny peut être jouissive. Mais il est dingue plus que méchant. C’est un sale gosse. Max tue le gosse (ou tout du moins le force à mourir) et le film se ferme là-dessus, dans la foulée de cette explosion même pas salvatrice. Dieu que c’est noir.
14/07/24
Enième retour sur Mad Max, cette fois avant de voir Furiosa. Pour beaucoup, le meilleur de la saga restera le deuxième volet. Pour beaucoup d’autres, j’ai l’impression que Fury road a pris le relais. Deux films qui vont ensemble par ailleurs, dans leur construction, leur démesure. J’aime beaucoup ces deux films, mais pour moi, Mad Max ça restera toujours le premier : chef d’œuvre de noirceur totale, un vrai western avec des bolides, du bitume, des gueules impossibles, des répliques immenses, une scène d’intro titanesque, une imagerie de désolation mais à peine futuriste encore, et un personnage sur le point de vriller, de devenir sinon comme les bêtes qu’il pourchasse depuis le départ, un fantôme, perdu dans le néant.
Créée
le 30 juin 2015
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