Diesel & Dust
Mad Max, c’est un genre qui s’assume totalement, se déploie et explose dans une longue et puissante décharge. Sur un scénario qui ne s’embarrasse pas d’originalité, Miller propose un western punk...
le 21 nov. 2013
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Genre: série B transcendée
Découverte récente de cette saga culte qui ouvrit les portes d’Hollywood à la nouvelle vague australienne de cinéastes (George Miller,Peter Weir,Russell Mulcahy) dans les années 80. Son réalisateur a un parcours plus qu’atypique. En effet, médecin aux urgences de grands blessés, c’est suite à la rencontre avec Byron Kennedy qu’ils feront un court métrage Violence at the Cinema remarqué à l’origine de la création du premier épisode de l’univers de Mad Max. Doté d’un budget famélique, le duo construit un scénario sur un univers post apocalyptique où règne une violence et une insécurité en particulier routière avec accidents de voiture ou de motos. Cependant, un groupe de policiers de la route dont Max Rockatansky (Mel Gibson) et son compère Jim Goose (Steve Bisley) veille à combattre les fous du volant.
A l’époque, l’acteur n’est pas la star planétaire qu’il deviendra par la suite et n’a joué que dans un film resté confidentiel en Australie. George Miller a volontairement fait le choix de ne pas prendre des têtes connues à la fois due à son budget serré mais aussi pour mettre en avant l’ambiance recherchée de son univers.
Voir Mad Max de nos jours (avec un oeil vierge) permet de remarquer l’aspect totalement hybride que constitue ce premier volet. Avant tout pur scénario de série B d’exploitation (dont on pourrait attendre un divertissement old school), Mad Max dérive très vite vers une leçon de cinéma ambitieuse dont la force émotionnelle reste intacte encore aujourd’hui. Par ses moyens limités, l’univers post apocalyptique du film aurait pu se vautrer dans une production design cheap dont le temps aurait fait son affaire. Mais il n’en est rien car le réalisateur choisit ni plus ni moins que l’ellipse et donc l’imaginaire du spectateur pour poser son univers. D’entrée, les quinzes premières minutes nous plongent dans une course poursuite effrénée mettant en scène plusieurs voitures alors qu’un certain « Aigle de la Route » écrase avec son bolide tout sur son passage et silllone des routes sans fins… La première séquence à la fois hommage à Vanishing Point (Richard Sarafian) est un modèle de montage et de gestion d’espace. Avec une économie de coupes, George Miller construit une dramaturgie tenue et cadre ses personnages comme dans un western. A l’instar d’un Assaut (John Carpenter), il est décidé d’une sobriété inattendue choisissant avant tout l’iconisation de l’environnement du film qu’un déluge d’effets pyrotechniques. De la même façon, la grande force du film recèle dans ses parti-pris de représentation de la violence. Il n’est nullement question d’effets gores mais avant tout de construire un univers déshumanisé aux villes désertées, aux routes de bitume à perte de vue où l’éclat de la violence se fait par ellipse et par soubresauts aussi rapides que radicaux. La scène traumatisante de Max Rockatansky reste avant tout construite et vécue par le cerveau du spectateur devant une horreur impossible à concevoir visuellement. Le choix de montrer peu permet la fabrication d’une atmosphère de violence et d’insécurité qui touche directement le cinéphile. A la fois consécutive à un manque d’argent mais aussi à une volonté de réalisateur, Mad Max n’est jamais aussi fort que quand il fait vivre son univers avec un peu mais avec une conviction crédible mais aussi puissamment métaphorique de la condition humaine et sociétale. Jamais il nous sera dit quoique ce soit sur le lieu où nous sommes et les raisons de ce futur dystopique.
Parallèlement à des scènes qui montrent une maitrise impressionnante des créateurs de Mad Max, il faut aussi noter d’autres effets qui nous rappellent le caractère fauché de l’entreprise comme l’accélération des motos de la bande de voyous pour donner une impression de vitesse. De la même façon, le rythme assez lent et déséquilibré du film peut surprendre. En effet, les quinzes premières et dernières minutes sont menées tambour battant…Par contre, le reste suit avant tout la vie de famille de Max et les périples du gang de motard et du collègue Goose. Ce rythme languissant conduit aussi à un contraste saisissant avec les pics de violence abruptes. Mais cela se justifie aussi comme une construction du personnage de Max qui voit son univers d’effondrer au fur et à mesure… La découverte de son ami Goose brûlé devient producteur d’effroi psychologique où une main suffit. Nous sommes alors pas loin d’un univers à la Crash où le film fait le choix du drap d’hôpital que le maquillage de façade.
Tout ceci conduit à la destruction émotionnelle et mentale de notre anti-héros. En effet, Mel Gibson semble presque fade tout le long du film à l’image de son personnage. Il n’est jamais présenté comme une figure héroïque ou de tête brulée… Mais la tragédie qui s’abat sur lui le transforme en un être nihiliste dont la douleur ne résonne qu’avec vengeance. La séquence avec les menottes a d’ailleurs été citée par la saga Saw. Ce basculement abrupte épouse la mise en scène…On aura rarement autant cru à un regard vide que celui de Gibson parcourant les routes australiennes sans but ni idéal. A l’image du genre du western dans lequel il puise, Miller n’oublie jamais les yeux de son personnage principal, clef de voûte de la mutation d’un esprit face à une violence omniprésente et absurde.
A l’instar d’un Orange Mécanique de Stanley Kubrick, Mad Max est un cas d’école qu’infuser une atmosphère vaut mieux que toutes les images explicites qui appauvrissent le cheminement du décryptage du spectateur.
Même si on peut regretter certaines effets vieillissants et un rythme décousu, Mad Max reste très original dans un registre qu’on a déjà vu (la série B post apocalyptique) grâce à une mise en scène brillante qui conduit à une vision désespérée d’une humanité perdue où la violence viscérale hante longtemps le regard.
Créée
le 8 mai 2015
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