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le 13 août 2018
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Genre : le style, le style et encore le style…
Suite à un deuxième épisode plus proche d’un James Bond au brushing impeccable aux fulgurances éparses, le producteur Cruise tente de faire renaître la saga dans un esprit de retour aux fondamentaux, à savoir une intrigue d’espionnage tout en gardant la force de frappe d’un film d’action.
Le projet va connaitre une gestation longue et compliquée. En effet, Joe Carnahan attaché à l’élaboration de ce nouvel opus s’en ira après plus d’un an de travail et emmenant avec lui une partie du casting prévue à la base. Cruise se retrouve alors sans équipe pour préparer son nouveau film. C’est alors qu’avec le nez creux, il fait appel à J.J Abrams, créateur de séries TV à succès qui souhaite depuis longtemps passer sur grand écran. Il est évident que le producteur a parfaitement conscience de l’avènement des séries dans le paysage du divertissement américain. Il se dit donc que le fan de Spielberg est l’homme de la situation.
Dans une volonté du retour au sérial tout en conservant l’action grandiloquente de Woo, J.J Abrams va tenter de rendre une copie à la fois dans l’ère du temps de la télé américaine tout en mélangeant les ingrédients de ses prédécesseurs.
J.J Abrams entouré de ces collaborateurs de Lost construit son scénario comme celui d’une de ses séries balançant plusieurs questions au spectateur dans les cinq premières minutes, en jouant sur la temporalité du récit. On nous place à la fin du récit où on apprend que Hunt a une femme, va t’elle vivre, Hunt va t’il mourir, qui est le bad guy et la taupe ? Cependant comme la plupart des séries et films sur lequel Abrams a bossé, ces questions conduisent à des réponses à la platitude extrême n’arrivant jamais à faire monter la sauce. En somme la question est toujours plus intéressante que la réponse !
Le cinéaste reprend alors ses techniques dramatiques construisant une intrigue qui aurait pu se dérouler sur une saison en 2 heures de film. Celui ci n’en devient alors que plus hystérique dans son déroulement à l’image de sa mise en scène.
Ce troisième volet fait de notre Hunt, un instructeur dont le travail sur le terrain est derrière lui et vivant avec sa femme. Mais de ce nouveau statut, le scénario n’en fait rien préférant retourner à un héros inoxydable omnipotent et ne faisant que courir durant tout le long métrage.
De la même façon, le retour à un réel travail d’équipe ne réussit malheureusement pas non plus tellement les personnages secondaires ne sont que des schémas scénaristiques présents pour faire avancer l’intrigue. Ving Rhames vient faire coucou comme à son habitude, Rhys Meyer est transparent. La reprise du principe de compromission de l’organisation au sein du milieu criminel ne réussit pas à restituer l’atmosphère paranoïaque du travail de De Palma. Il conduit à un des retournements de situation improbables poursuivant un récit aux enjeux minces et sclérosé par ses multiples pistes non concrétisées. On évacue le personnage de Lindsey Farris (Keri Russell), élève de Hunt qui aurait pu être un passage de témoin pour notre héros. Certains axes sont donc abandonnés au milieu du film préférant la fuite en avant effrénée. On construit un enjeu faiblard avec la femme de Hunt sans y croire et pour donner plus de poids au bad guy.
On est d’autant plus désolé que Philip Seymour Hoffman campe sans doute le méchant le plus charismatique et flippant de la saga. Mais sa présence à l’écran correspond à une vingtaine de minutes et son arc narratif est expédié ad patres. Owen Davian n’est qu’un pion et ne correspond pas à la pierre angulaire de l’intrigue qui hésite constamment entre le super héros Hunt et l’infiltration de la Force Mission Impossible.
En terme de mise en scène, Abrams se sent obligé de courir littéralement aux basques de Cruise pour créer un semblant de tension et d’action. A la fois réminiscence du 11 septembre et du style Jason Bourne, la mise en scène devient totalement hystérique avec un montage épileptique, surdécoupant toutes ses séquences. Multipliant les lieux, les intrigues, M:I III devient un épisode d’Alias mal dégrossi. Croyant trouver la flamboyance d’un Woo, Abrams dénature les couleurs de sa pellicule créant une photographie se voulant réaliste, dénaturant toutes les scènes de destruction. On s’approche alors d’un jeu vidéo où Cruise se relève après s’être pris une voiture dans le dos. Abusant de lens flare et brulant la pellicule par tous les bouts, le spectateur ne voit que de l’explosion incompréhensible et une esthétique d’amateur. On aura rarement vu une photographie aussi inconsistante dans un film de divertissement (si, il y a toujours Expendables 2).
Cependant, on retiendra une bonne séquence dans ce fatras décousu, celle de l’extraction d’Hoffman au Vatican où la réalisation renoue avec le meilleur de la saga et la création simultanée du masque du méchant. Même la scène du pont qui aurait pu être un défouloir jouissif ne l’est pas, tellement on est au bord de la lisibilité avec une mauvaise gestion des cadres asphyxiant l’ampleur de la destruction en cours.
A l’image de son script, le film se croit obligé d’en faire toujours plus, de multiplier des péripéties qui accouchent d’un final désobligeant.
Si on voulait être méchant, on pourrait dire que le plus grand défaut de cette nouvelle mission impossible est de n’avoir aucun style. Abrams accouche de l’épisode le plus insipide par sa mise en scène. Piquant à droite et à gauche sans chercher de cohérence mais voulant satisfaire le moment, le réalisateur convainc ses détracteurs quant à son manque de vision cinématographique.
Mais n’oublions pas qu’il s’agit de son premier film qui est assez révélateur de la suite de sa carrière (reprise de franchise, cinéma sous influence sans parti pris personnel).
Cette énorme déception est d’autant plus inquiétante que ce M:I III est celui qui va guider les épisodes suivants avec un mélange à la fois d’action, d’espionnage et d’humour comme une alternative/proximité au célèbre agent anglais.
Créée
le 14 août 2015
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