George Miller aux manettes du reboot/remake de Mad Max, 30 ans après le dernier opus. Qui aurait cru que ce serpent de mer aurait finalement vu le jour en 2015 ? D’abord annoncé comme un dessin animé, le projet aura mis des années à se concrétiser, la faute à des reports incessants et au scepticisme des studios de production. C’est sous la forme d’un véritable film en live action que ce nouveau Mad Max, sous-titré Fury Road, verra le jour. Disons-le tout de suite et coupons court au débat, Miller a bien fait de ne jamais lâcher l’affaire.
Du chrome de toute beauté
Nous retrouverons Max Rockatansky, guerrier de la route solitaire, homme de peu de mots rongé par la folie et hanté par les fantômes de son passé. Capturé par un groupe d’albinos dégénérés mené par un tyran local, il parvient durement à s’évader et croise sur sa route d’autres fugitifs qu’il va, bon gré mal gré, devoir aider.
Cela ne vous dit rien ? Ce Fury Road n’est rien d’autre qu’une relecture de Mad Max 2 remis au gout du jour. La meilleure façon de relancer cette franchise laissait pour morte tant le deuxième épisode est unanimement reconnu comme le meilleur de la trilogie originale. Miller en reprend tout le sel et les ingrédients pour faire de ce Road Warrior version 2015 une réussite tellement épicée qu’elle vous tordra les boyaux de bonheur.
Point de débat philosophique ici, aucune divagation quelconque sur le sens de la vie ni nostalgie du temps passé. Le monde est foutu, brisé, irrécupérable, à l’image de Max, et personne ou presque ne s’attardera dessus.
Miller nous peint une toile de fond post-apocalyptique ou la folie côtoie chaque individu de plus ou moins prêt, ou la raison a disparu et seule compte la promesse d’une mort glorieuse sur Fury Road. Un gouffre de folie pure ou les V8 et autre porte-guerre sont idolâtrés, et où notre pop-culture d’aujourd’hui s’est muée en véritable mythologie.
Le cadre parfait pour un affrontement débridé et enragé entre deux groupes prêt à tout pour obtenir ce qu’ils veulent.
Le script tient peut-être sur un ticket de métro, le scénario sans doute un poil trop convenu, mais bordel, quelle ambiance ! Appuyé par une photo magnifique et une gestion des couleurs inspirée, pourtant à mille lieux du souhait de Miller (voir plus bas), le film se paye une réalisation de luxe ou l’histoire de ce monde désaxé nous est surtout racontée avec les yeux.
Décors, costumes, maquillage, autant d’éléments qui nous renvoient à un background solide, à la fois suffisamment effleuré pour nous permettre de comprendre le macrocosme dans lequel le film évolue tout en nous laissant entrevoir en filigrane un univers inexploré.
Du cinéma d’action dopé au V8
Mad Max Fury Road, tout est dans le titre. Une fois passée la courte introduction et le porte-guerre lancé, le film ne s’arrêtera quasiment jamais. Hormis quelques accalmies savamment distillées tout au long du récit, le film vous embarque dans une course à la mort endiablée ou le danger sera constant et le sentiment d’urgence parfaitement entretenu.
Pas de repos pour les braves. Engagés dans une course poursuite infernale, nos héros d’infortunes n’auront de cesse que d’être pourchassés et traqués par Immortan Joe et sa troupe de War Boys complètement acquis à sa cause. Les spots et les cascades vont s’enchainer à un rythme spectaculaire, les coups vont pleuvoir et les explosions se succéder à la pelle pour la plus grande joie des War Boys et du spectateur.
La tempête de sable, le ravin, le marais,… Autant d’endroits et de situations différentes qui serviront de décors à une guerre aussi totale qu’absurde, et qui donneront lieu à de très grands moments de bravoure. De l’action déchainée et exaltée, portée par une bande–son frénétique qui laissera les amateurs de variétés avec les oreilles saignantes.
Et tant qu’à parler de la musique, comment ne pas aborder ce putain de « guitar guy », a.k.a le personnage le plus stupidement génial de ces 10 dernières années ? Véritable rock star de ce Fury Road, il constitue l’une des plus brillantes idées de tous les temps en termes d’intégration de la musique dans l’univers même d’un film. Du génie à l’état brut.
Un Mc Festin de belles gueules
Remplacer Mel Gibson dans son rôle iconique de Max Rockatansky n’était pas chose aisée. Tom Hardy n’effacera probablement pas son prédécesseur, mais sa prestation toute en grognements est tout à fait honorable. Alors certes, il a ses détracteurs qui ne jurent que par ce bon vieux Mel, mais on ne peut nier sa présence à l’écran. Il campe le Max écrit et voulu par Miller avec sérieux et tout ce qu’il faut de badassitude. Bien qu’à ce petit jeu, il se fasse complètement volé la vedette par Charlize Theron et son Imperator Furiosa.
N’y allons pas par quatre chemins : la véritable héroïne du film, c’est elle. Bien que rien n’eut été possible sans l’intervention et l’aide de Max, c’est bien elle qui initie l’histoire, c’est elle qui fédère les personnages, qui tire le groupe vers l’avant, et qui finit, enfin, par prendre la tête du méchant (ou plutôt la moitié). Elle est au centre de tout, et Max n’est finalement que de passage dans sa vie que l’on s’imagine avoir été terrible. Un compagnon d’infortune avec qui une confiance réciproque va s’installer.
Du reste, le traitement de Nux, War Boy repenti, reste simple mais efficace. De même que celui réservé aux « précieuses », qui, sans faire dans le mélodrame, parvint à nous les rendre immédiatement sympathiques. Il faut également saluer le choix de leurs interprètes, particulièrement pertinent, ainsi que le message féministe véhiculé à travers leur histoire et celle du film en général.
Venons-en maintenant au point qui a en a chagriné plus d’un et qui a suscité le plus d’incompréhension : le demi-tour. Arrivé au dernier tiers du film, notre petite équipe, à peine débarrassée de leurs poursuivants, décide de rebrousser chemin pour rentrer au bercail.
La décision peut effectivement paraitre surprenante au vue du parcours accompli, voire même sonner comme un balayage des 60 dernières minutes. Je la considère plutôt comme une façon de dire « arrêtons de fuir les problèmes, affrontons-les ! ». Le but de Furiosia, et par extension celui de tout le groupe, ne se situe pas au bout d’une fuite en avant et il a fallu en arriver là pour le comprendre.
Max lui laisse le choix entre l’illusion d’une solution qui finira cruellement par se dissiper, ou la dureté d’un combat qui conduira à la rédemption désespérément recherchée. En acceptant de se battre, Furiosa se décide une fois pour toute à affronter le mal par la racine et à se débarrasser du spectre qui hante sa vie.
A mon sens, le demi-tour symbolise cette décision importante dans l’évolution et l’aboutissement du personnage.
Pensons-y, n’aurions-nous pas trouvé cela trop facile si le groupe était parvenu à simplement… s’enfuir ? Les scénaristes écrivant pour la télévision (la bonne télévision hein…) ont érigé en précepte le refus de donner au spectateur ce qu’il voulait voir, préférant leur donner ce qu’ils ne savaient pas encore vouloir. C’est selon moi ce que Miller a fait, dans une certaine mesure. Il a surpris son monde avec une décision inattendue mais pourtant loin d’être illogique à bien y réfléchir.
Tout cela nous conduit enfin à la dernière course-poursuite, ou notre petit groupe de gueules cassés foncent têtes baissées dans la gueule du loup. Ultime occasion d’en remettre une couche plus que bienvenue ! Entre un Max qui passe de bolide en bolide, balancé d’un bout à l’autre de l’action, et un duel qui se dessine entre Furiosa et Immortan Joe, on assiste à un déferlement ininterrompu de spots plus dantesques les uns que les autres, une touche de désespoir en plus tant la situation parait sans issue.
Jusqu’aux portes du Val ‘alla
Une baffe. Tel est le terme que je choisirais si je devais définir ce Mad Max Fury Road en un mot. Une baffe dans la gueule du spectateur qui ne pouvait définitivement pas s’attendre à cela. Une baffe dans la gueule d’Hollywood et de ses productions banalisées. Une baffe dans la gueule des petits jeunots du cinéma d’action, matés par un grand-père que l’on pensait fini.
Une expérience de laquelle on ressort proche de l’arrêt cardiaque et tellement bouffé par l’adrénaline que l’on ne sait pas choisir entre y retourner sans plus attendre ou se reposer pour récupérer. L’un de ces films que je souhaiterais oublier pour revivre le bonheur d’une découverte en salle.
Un dernier mot, pour finir, sur l’édition Black & Chrome qui mérite très largement le détour. Il faut savoir que l’intention originale de Miller concernant ce nouveau Mad Max était d’en faire un film en noir et blanc, mais que les producteurs, déjà pas spécialement emballés par le retour aux commandes du bonhomme, lui ont opposé un véto catégorique. Ce n’est que plusieurs mois après la sortie du film en bluray que la chose pu finalement se faire, le succès commercial du film étant acquis.
Que dire si ce n’est que le résultat est clairement à la hauteur de l’original ! Loin d’être une banale transposition en noir et blanc, Miller revisite complètement son long métrage et lui donne une toute autre allure. Le film abandonne ses couleurs saturées pour revêtir une robe plus âpre, agressive et brute de décoffrage. Une redécouverte assez incroyable que je recommande chaudement pour un troisième, voire un quatrième, visionnage.