Il y a des choses fabuleuses dans ce film, qui font passer outre bien des menus défauts, au moins lors de la 1ere vision.
Le plus flagrant, c'est que Fury Road est une bande hargneuse, craspec' et dégénérée comme on n'en avait pas vu depuis des années. Le seul film me revenant à l'esprit avec ce type de délire, c'est le Total Recall de Verhoeven. Des mecs enchaînés qui se font pomper le sang, des nains avec des faux pifs, des gros dégueux aux pieds difformes avec des chaînes aux tétons : c'est Fury Road. Au bout de 15 min, le ton est donné, et le 1er chapitre démarre.
Et bon dieu que c'est hallucinant. C'est beau, lisible, et se permet une conclusion très poétique. Et on y retourne 30 min plus tard pour un 2e round.
C'est assez enthousiasmant en terme d'action, et le fait que 80% (curieux d'avoir le chiffre exact) des effets spéciaux soient des cascades et non des CGI se voient fréquemment à l'écran. De ce côté là, c'est radical et franchement exaltant.
Au delà de ça, il y a plein de petites choses foncièrement punk qui font plaisir à voir : le char Heavy Metal, le petit frère à Rictus, tout le bataclan secondaire est en général bien bas-du-front comme il faut. Adorable.
C'est très intéressant aussi de voir le nombre de nanas éclatant un nombre incalculable de mecs débiles. D'ailleurs, la conclusion est claire sur ce point, et il est difficile de ne pas rire devant ceux qui parlent d'un spectacle misogyne. On n'a assurément pas vu le même film.
Pour autant, il subsiste quelques réserves plus ou moins négligeables :
le rythme. Au bout de 45 min, le convoi s'arrête et reste littéralement statique pendant 15 bonnes minutes, après la promesse d'un quadruple affrontement qui n'aura en fait jamais lieu. L'action passe hors-champ, tout le monde est à l'arrêt, et il faudra attendre 25 minutes pour que le film reprenne. La respiration devient temps mort, et comme l'histoire et le background des persos sont inexistants... Tout ça n'est pas aidé par le découpage à coups de fondus au noir, trop chapitré, trop série TV. Reproche qui fait douter de ne pas jouer de la télécommande dans 6 mois en vidéo.
la photographie. Au-delà des plans accélérés qui font de la tentative d'évasion de Max une course façon Benny Hill (fausse bonne idée), il y a surtout ces plans en Nuit américaine avec leur filtre bleu façon Nosferatu de Murnau. Le film est ultra stylisé dans son utilisation, donc ça se fond plutôt bien mais ça fait facilement sourire. Plus gênant, mais peut-être est-ce du à la salle où j'ai vu le film : l'impression de voir un film tourné avec des GoPro en 720p. Grain ostensiblement électronique, définition limitée, rendu qui donne souvent l'impression d'avoir été numériquement retouchée à grand coup de Edge Enhancement. Ca m'a fait tiquer parce que ça nuit à la qualité visuelle d'ensemble. Et pour le coup, ce n'est pas juste un plan 3D foireux qui tombe comme un cheveu pour la soupe, non, c'est très récurrent.
la bande originale, poussée à 11. Autant j'aime bien la partition orchestrale, les percus façon Bear McCreary sur BSG, bourrer du Metal là dedans et ne pas oublier le Dies Irae de Verdi utilisé dans la bande annonce, autant les empiler les uns sur les autres finit par transformer la BO en bouillie auditive. Et le Dies Irae est utilisé au moins bon moment imaginable.
le sur-découpage. Pas gênant en soi, loin de là, mais il y a plusieurs fois de très beaux plans d'ensemble, des trucs majestueux des caravanes de bagnoles et camions, qui finissent saucissonnés complètement alors que les faire durer un peu plus aurait donné un truc grandiose. Il y a aussi la fin d'Immortan Joe qui n'aurait pas perdu d'être moins découpée. On peut lire que le film contenait 2700 plans (contre 1300-1400 pour The Road Warrior). Je ne dis pas qu'il faudrait diviser par deux et même qu'au contraire, c'est visuellement implacable pour un film aussi découpé. Mais le film aurait certainement gagné à en avoir une centaine de moins, histoire d'insister sur les jolies choses. Là, hormis 1-2 trucs vus déjà dans la BA, ça manque de plans iconiques grandioses et vraiment majestueux.
En conclusion : Excellent pour plein de bonnes raisons, un peu gêné par 2-3 trucs plus ou moins négligeables. Un bon 8,5/10 quoiqu'il arrive, avec des doutes sur le potentiel de re-visionnage.