Fury Road est assez représentatif des problèmes qu'ont la plupart des blockbusters américains, notamment celui de ne pas tenir la distance. Il se trouve simplement que ce blockbuster-là a le sprint plus explosif que ses contemporains. Du coup, les trente premières minutes du film - l'Acte 1, en somme - sont ébouriffantes, jubilatoires, pétries de l'énergie démentielle et absurde qu'on attend d'une épopée post-apocalyptique qui a choisi le baroque comme cheval (camion?) de bataille.
Et elles valent le coup, ces trente premières minutes. Vraiment. La direction artistique est inspirée, très cohérente; la mise-en-scène est bonne; d'excellentes idées visuelles bourgeonnent au coin de chaque cut. Alors on s'installe, on se laisse s'enfoncer dans son fauteuil et on dévore chaque plan comme du popcorn.
Et puis, l'Histoire arrive. On l'avait pas invitée, mais l'exposition s'est quand même ramenée, et elle est là pour bouffer votre popcorn.
Voilà, Fury Road ne devrait même pas s'embarasser d'une intrigue, laquelle coupe le rythme, dessine des personnages insipides, aux motivations idiotes. Parfois, l'excès kitsch qui marchait si bien au début a l'air forcé, comme s'il suffisait de mettre des choeurs et des guerriers suicidaires dans le même plan pour faire se soulever les esprits. Un gros moteur, le film commence à nous montrer ses cylindres et pistons.
Alors on peut lire, ici et là, que Fury Road est en réalité un film dense, complexe qui parle de féminisme, d'anticapitalisme, d'écologie et tout. Oui c'est vrai. Est-ce qu'il dit quoi que ce soit d'intéressant à ces sujets? Non. Il en parle, pour faire bonne mesure, pour ne pas donner l'impression d'être un film creux. Et à force de se donner de la peine pour faire réfléchir, Mad Max cesse de divertir.