On l’attendait comme le Messi qui viendrait briser la mécanique ronronnante de l’usine à rêves Hollywoodienne engoncé dans des blockbuster standardisé au tout numérique sans saveur ni acuité. La bande annonce tonitruante n’était que le sommet d’un iceberg enraciné au coeur des préoccupations de la dernière décennie dont l’arrivée au pouvoir de Donald Trump se fera le point culminant qui mènerai à la fin de toute démocratie. Georges Miller fonce pied au planché, l’oeil dans le rétroviseur afin d’ériger le nouveau mythe fondateur de son univers qu’il refaçonne et réduit à sa plus simple expression : un désert post-apocalyptique tel que celui dépeint dans les récits bibliques. Point de convergence dont la ligne d’horizon s’étend comme un océan infini. Cette route, le convoi de l’impératrice Furiosa n’aura de cesse de l’arpenter en long et en large pour tenter de fuir un passé qui les poursuit mais surtout de trouver l’emplacement de la nouvelle terre promise, celle sur laquelle rebâtir une nouvelle civilisation protégé d’un patriarcat vieux comme ce monde. Une tentative d’émancipation des femmes dans un milieu sauvage où ne règne que la loi du plus fort, une approche auparavant esquissé dans la première conclusion de la saga matricielle avec Tyna Turner en souveraine tyrannique d’un Dôme du Tonnerre où les querelles et luttes de pouvoir se solder dans des duels à morts. Une « utopie » qu’avait d’ailleurs préféré fuir Mad Mel laissant la succession à Tom Hardy qui s’en distingue naturellement par son état de rage primal contenu dans une muselière l’empêchant d’exprimer ce qui reste de son humanité. Tout ce que l’on parviendra à dissocier sera son regard sauvage et ses nombreux grognements.
La simple incantation de son nom et d’une succession de flash-back violent suffisent d’ailleurs à iconiser le personnage dès son introduction sans avoir à recours à d’éternels phases de dialogues ou quelques morceaux de bravoure. Tout le monde a entendu parler de Mad Max et de sa célèbre Interceptor. Une voiture emblématique dont la contribution n’ira pas plus loin que la phase d’introduction et finira broyé entre deux mastodontes pour ne laisser qu’une carcasse de tôle froissée. De la même manière, la légende du personnage sera considérablement malmené, puisqu’il sera érigé en trophée de guerre par une horde tribal siphonnés de l’asphalte, carburant à l’or noire et au fanatisme religieux soumis aux quatre volontés d’un dieu éternel autoproclamé qui cherche à récupérer ses mères porteuses. Mad Max va donc se retrouver mêler à cette tentative d’exode menée par l’impératrice Furiosa. Rompu à ce simple postulat, le récit prend la forme d’une course poursuite infernal dont les cascades et joutes motorisés seront réalisés à l’ancienne ce qui en décuple l’ampleur et la démesure à une époque où on ne jure que par les images de synthèse. Georges Miller visiblement conscient que sa saga n’avait jamais été retenu pour la richesse de son arrière plan mais bien pour son action furibarde, livre un divertissement hystérique et frénétique tout juste interrompu par une phase d’accalmie contemplative. Le film tend vers une épure absolue et une construction en deux phases : un aller et un retour, visant à éviter les longues phases d’atermoiements pour aller droit à l’essentiel sans jamais dévier de son itinéraire.
Outre le plaisir orgasmique de voir une meute de fanatique animé d’une furie guerrière, défiler à bord de bolides customisés et effectuer des sauts à l’emporte pièce pour arrêter la progression d’un porte-guerre déblayant la voie tel un raz de marais ; un programme de réjouissance d’autant plus flamboyant en version 3D, probablement l’une des meilleurs jamais réalisés ; Mad Max Fury Road tourne autour du même paradoxe que ses aînés, selon lequel l’humanité ne peut pas s’empêcher de tout détruire et de cultiver cette passion dévolue pour l’anarchie la plus totale permettant aux pilleurs de s’accaparer les précieuses ressources restantes sur Terre en se réunissant en meute afin de former le ciment d’une nouvelle société fusse-t-elle basé sur la puissance, l’oppression et la servitude. Tout concorde néanmoins à mener ce semblant de civilisation vers un éternel effondrement de par la nature même de son mode de fonctionnement incompatible avec celle de l’homme. Les ressources seront donc encore une fois pesés, économisés pour être gaspillés à nouveau. On ouvre grand les vannes avant de les fermer et d’en cadenasser l’accès réservé à une élite légitimé pour le meurtre d’un prédécesseur. Voilà pourquoi Mad Max finira une nouvelle fois par tourner le dos à cette reconquête prenant pour acquis les vestiges d’une citadelle amené à retomber aux mains d’un autre tyran, fusse-t-elle une femme.
À ce que l’on dit, c’est le voyage qui compte, pas la destination, et les détours mortels surtout... Alors si toi aussi tu aimes bouffer de l'asphalte au sens propre comme au figuré, rend toi sur L’Écran Barge. Tu y trouveras quantité de sérial-autostoppeurs et de chauffards frustrés.