Critique Mme Bovary :


Lorsque défile le générique de fin de Mme Bovary, deux sentiments surgissent dans l’esprit du spectateur. Le premier est une certaine joie de voir enfin s’achever le film et le second, la sensation d’avoir assisté à une boucherie. Explication.


Coupez !


Lorsque l’on adapte une œuvre littéraire au grand écran, les coupures sont inévitables. En effet, les histoires développées dans la plupart des livres sont infiniment trop complexes, touffues pour tenir dans un film d’une heure et demi. Cependant, ces coupures doivent se faire intelligemment afin de préserver une certaine cohérence dans la trame et de ne pas dénaturer l’œuvre que l’on adapte. Ces suppressions de scène doivent être faites avec la précision d’un chirurgien (meilleur que Charles bien sûr) incisant la peau de son patient afin de ne lui laisser de son passage qu’une cicatrice invisible. Elles doivent presque être imperceptibles. Or le scénariste du film a effectué une charcuterie innommable qui défigure totalement l’œuvre. Certains passages primordiaux du livre ont totalement étés négligés à l’image du bal de la Vaubyessard, point de départ de la déchéance d'Emma dans le manuscrit de Flaubert, qui n’est ici pas présent. C’est un réel manque !
Les passages importants que l’équipe du film a bien daigné nous retranscrire sont quant à eux ratés et ce sur plusieurs points. Tout d’abord, ils font transparaitre le manque cruel de moyens dont dispose le film. On voit cela notamment avec la scène de l’opéra transformée un vulgaire récital dans un décor quelconque ou sont disposés les rares figurants que la production a réussi à se payer. Ensuite, ces passages sont mal traités, présentés de façon excessivement brève. Comme si l’équipe du film avait juste voulu remplir un cahier des charge réunissant le minimum syndical de scènes incontournables à implémenter afin de garder sa conscience tranquille et de ne pas faire un doigt d'honneur trop flagrant à l'auteur qui doit par ailleurs se retourner dans sa tombe. On ne ressent dans ces scènes décisives rien sinon de l’ennui et une déception au vu du désastre. Certains de ces passages perdent d’ailleurs tout leur sens, comme la scène des comices agricoles. Le mythique discours croisé mis en place par Flaubert dans cette partie afin de révéler subtilement les intentions peu louables de Rodolphe à l’égard de Mme Bovary cèdent ici la place à un dialogue aussi insipide qu’insignifiant puisque le contrepoint disparaît. L’ironie est totalement absente. L’esprit insufflé par l’auteur à sa création en est donc profondément atteint.


Les personnages :


Enfin, on a des personnages totalement occultés comme Berth, l’enfant des Bovary dans le livre, ou encore plus important : Rodolphe. Ce dernier est remplacé par le Marquis de Vaubyessard qui endosse pour l’occasion son rôle original ainsi que le rôle d’amant tenu au départ par Rodolphe dans le livre. On perd alors toute cohérence. D’autant que Rodolphe a un rôle primordial dans le récit de Flaubert car c’est un des amants les plus importants d’Emma tandis que le Marquis ne fait lui qu’un passage éclair. Il aurait donc été plus logique de garder Rodolphe et de supprimer l’autre. Remarquez au point qu'ils avaient atteints, ils n’étaient plus à cela près… La cohérence était tellement bancale qu’on n’aurait même pas été surpris de voire débarquer Valmont (des liaisons dangereuses) comme prétendant à Emma. Quitte à faire n’importe quoi…
Emma d’ailleurs, parlons en ! Elle se retrouve pour sa part affublée d’une psychologie moins complexe. Sa personnalité est relatée avec trop de simplicité. Elle est parfois même carrément dénaturée, car elle apparaît plus comme une victime qui suscite la pitié que comme la femme odieuse et égoïste qu’elle est dans le livre.


L’esthétique :


Passé l’écueil d’un cadrage réalisé par un cameraman qui semble atteint de parkinson, le film nous offre des plans larges très jolis, nous laissant contempler de beaux panoramas naturels. De plus, la réalisatrice a réussi à placer certains symboles que l’on trouvait dans le livre, comme le feu. D’autres sont évoqués de façon subtile, comme lors de cette scène ou Emma s’ennuie et qu’elle ôte de son bouquet de fleurs une araignée qui avait tissé sa toile. Ce qui rappelle la citation qui dit « L’ennui, araignée silencieuse tissait sa toile à tous les coins de son cœur ». C’est fin, c’est bien. On a donc quelques points positifs. Au niveau des atouts, on note également des acteurs convaincants mis en scène de façon très convenable ainsi que des costumés esthétiquement ravissants.


Conclusion :


Cependant, ces rares qualités ne parviennent pas à relever un niveau de qualité global très moyen. Disons que le film ressemble plus à un tutoriel démontrant comment faire un film lorsque l’on dispose d’un budget n’excédant pas les trois euros cinquante, qu’a une véritable œuvre artistique. Le tout desservi par un scénario qui ressemble à un copié-collé d’un mauvais résumé écrit par une personne (un élève de terminale L ?) qui n’aurait pas lu le livre. Dommage.

paul55
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le 22 déc. 2015

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paul55

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