Femme de lettres
Le nom de Madame de Sévigné est assez largement connu, même des moins assidus aux cours de français, mais son œuvre n'est guère lue de nos jours et sa vie proprement ignorée. C'est donc avec une...
le 4 mars 2024
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Si il y a des choses dont on peut être fier en France et après bien entendu notre goût prononcé pour la braguette (ce dernier mot est correctement écrit), c'est de notre héritage d'écrivains et écrivaines qui ont su marquer les esprits à travers les siècles et les nations de leur talent éblouissant.
J'en fais un peu beaucoup j'en ai conscience.
Il est donc intéressant de voir ces figures prendre de la consistance à travers les âges via un autre média comme le cinéma afin de voir comment les générations plus de deux cent ans plus tard se sont appropriées cet héritage.
Disons le tout de suite: je n'ai pas réellement choisi de voir ce film en particulier, car je suis une personne ultra réactionnaire concernant le cinéma: C'était largement mieux avant, ça n'enlève rien à la qualité de certains films, mais elle est forcément très éloignée de la période d'avant nouvelle vague. Je n'avais donc pas d'intérêt particulier sur les atermoiements de deux femmes à l'époque de Louis XIV bien que je partage la nécessaire nécessité du combat féministe actuel (j'y reviendrai). J'y suis allé, pour tout vous dire, pour visiter un cinéma dont on m'avait vanté le caractère particulier, et je confirme qu'il l'est.
Cela posé, que nous reste-t-il ?
Et bien pas grand chose. Le résumé/pitch du film nous vend un déchirant conflit entre madame De Sévigné et sa fille. Il n'y a rien de tout cela. Il n'y a guère de tension, juste des hurlements ponctuels et des pleurs occasionnels, une vague histoire de couple endetté et de rabibochage entre la mère et la fille, conflit présenté pourtant comme la source fondamental de la puissance des lettres.
La faute à un scénario décousu, fait d'ellipses. Et elle habite à tel endroit, et puis on passe sur une engueulade larvée, puis on passe sur des atermoiements des nobles qui ne veulent pas aller à la guerre, et puis De Sévigné a une amourette, et puis Sévigné et sa fille se réconcilient, et puis elles s'engueulent, et puis De Sévigné part en Bretagne...
Je ne sais pas ce que l'auteure voulait réellement. Est-ce qu'elle voulait faire un biopic en essayant de couvrir une période de la vie de la grande dame, est-ce qu'elle a essayé de théoriser sur l'origine de la force des lettres, est-ce qu'elle voulait porter un discours féministe fort même si décalé par rapport à la période (mais on sen fout au fond parce que c'est un film) ?
Dans tous les cas, c'est raté. Il n'y a franchement pas grand intérêt à la suivre en Bretagne ni à Paris - d'autant qu'on ne voyage pas vraiment. La réalisatrice tente de créer une ambiance avec ses histoires de brigands sur les routes, le résultat est calamiteux la faute à des choix de découpage qui résume cette "ambiance" à trois ou quatre plans foireux et mal filmés - un voile pudique sur les plans violents avec une caméra qui essaie de se cacher ou de chasser les cadavres tellement ils sont assignés au bord de l'écran.
La réalisatrice ne développe en aucune manière quoique ce soit concernant les lettres. Elle en fait référence plusieurs fois, et fait dire des bouts de lettres à un narrateur, mais c'est totalement insuffisant, encore une fois, en terme de mise en scène et d'implication. Nous sommes d'accord que ses lettres sont probablement superbes et leur caractère particulier lui a permis de les vendre, ce qui n'est pas, loin de là, commun. Mais encore ? En quoi est-ce utile au spectateur ? En quoi cet élément va apporter quoique ce soit aux enjeux en cours ? Est-ce nécessaire de faire un long métrage sur madame De Sévigné pour valoriser ce point ?
Le moteur du film est censé être le conflit entre la mère et la fille. Mais, là encore, c'est très mal écrit. J'ai souvenir d'une scène un peu étrange, pendant laquelle madame De Sévigné fait une remarque à sa fille, et celle-ci a une réaction étonnamment disproportionnée, puisque se mettant à pleurer et demandant à sa mère d'arrêter de l'oppresser. Fichtre. On sent bien que madame De Sévigné tente de garder une certaine maîtrise sur la vie de sa fille, mais ce n'est pas marqué. On ne sent pas cet envahissement, ce broyage, cette toxicité qui devrait pourtant fonder - comme le résumé du film l'annonce, le conflit entre la mère et la fille. Au lieu de ça, elles s'accrochent, se rabibochent, s'éloignent l'une de l'autre, quand la fille de madame De Sévigné la bannie de la maison, De Sévigné acquiesce et se barre en Bretagne... On a vu plus accrocheuse quand même... Et puis, à la fin, la fille et la mère se réconcilient à nouveau, dixit la voix du narrateur qui expédie ainsi la fin du film. Oui, c'est comme ça que finit le film: juste le narrateur qui balance que la fille revoit sa mère quelques années plus tard. Ne lui a-t-on jamais dit que c'était mal de spoiler à celui-là ?
Sur bien des aspects, ce film me rappelle La Môme de Dahan: un biopic sur une personne célèbre pour bien racoler le spectateur. La Môme est probablement plus abouti techniquement que Madame De Sévigné, certes, mais la démarche est la même.
Créée
le 10 mars 2024
Critique lue 217 fois
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