Francis,directeur de la filiale parisienne d'une multinationale,est brusquement licencié.Désireux de conserver le train de vie de sa famille,il cache la vérité à ses proches et finit par s'improviser voyante extra-lucide.Dans la foulée de "Vive la vie",qui les avait réunis l'année précédente,Yves Fajnberg et Didier Bourdon remettent le couvert.Bourdon tient à nouveau le rôle principal,Fajnberg réalise,tous deux sont coscénaristes,mais ici le comédien est en plus coréalisateur.Ils se sont entourés de la même équipe technique,comprenant notamment la productrice Régine Konckier,le chef-opérateur Pascal Caubère,frère de Philippe,ou le décorateur Jean-Pierre Clech.Le thème du film,l'impact nocif de l'argent sur la psyché humaine dans une société gouvernée par le "vil métal",comme dit Fernando Rey dans "Tristana",est identique et traité sur le même mode aigre-doux,le côté comique étant cependant ici plus appuyé.Ce ton mi-figue mi-raisin fonctionne encore efficacement,les auteurs décrivant par le menu les dérives d'un monde moderne ravagé par le matérialisme et les affres vécues par des personnage déboussolés.Ca commence de façon amusante avec des incrustations sur l'écran indiquant les prix que coûtent à ce malheureux Francis les membres de sa famille,sa maison et les objets qu'elle contient.Ensuite,ça rigole moins avec les méthodes brutales et inhumaines des grandes entreprises pour qui les employés n'ont aucune importance.Le héros la joue alors à la Jean-Claude Romand,faisant mine de partir au travail pour aller zoner dans les rues ou dans des chambres d'hôtels.Car il est conditionné par son rapport au pognon,qui lui semble être la réponse à tous les problèmes.Dépourvu de confiance en lui et en les autres,il est persuadé que divulguer son état de chômeur aboutirait à ce que tous,à commencer par sa femme,lui tournent le dos et l'abandonnent,car l'homme moderne est habité par une peur générée par son environnement instable.L'univers de la voyance en prend à son tour pour son grade et se voit dépeint comme un repaire d'escrocs,ce qu'il est effectivement.Francis apprend les ficelles du métier,qui consistent à faire d'abord parler les clients afin de leur répéter après ce qu'ils ont dit et oublié pour qu'ils croient aux dons de divination de l'arnaqueur,avant de leur dire ce qu'ils ont envie d'entendre.Il s'agit simplement de psychologie mais on ressent un certain malaise en voyant ces pauvres gens totalement paumés et vulnérables qui viennent se faire dépouiller de leurs maigres revenus.C'est le joli monde du capitalisme,où il faut toujours entôler plus faible que soi.Cette impression est toutefois modulée par le fait que finalement ces séances sont bénéfiques aux clients,qui viennent là comme ils iraient chez le psy,et dont le véritable but est de pouvoir parler à quelqu'un qui les écoute,de se raconter pour exprimer leur peine.C'est évidemment triste d'en arriver là,mais c'est ainsi dans ce monde d'hyper communication où les gens n'ont personne à qui se confier.Francis,qui s'est déguisé en femme car il parait qu'on parle plus facilement à une voyante qu'à un voyant,fût-il lumineux,prend goût à cette activité.D'une part parce qu'elle est lucrative,puis à la longue parce qu'il se met à apprécier ce rôle social qu'il joue,au point qu'il n'a plus envie de retourner dans l'univers de l'entreprise,préférant désormais ce contact humain.Les dialogues,souvent drôles,masquent élégamment le tragique de l'existence,qui n'est jamais loin derrière.Le film a du mal à tenir la distance,les situations deviennent à la longue répétitives,et les hésitations du personnage à avouer ce qu'il fait à son entourage finissent par lasser un peu.Didier Bourdon est impérial et le travail qu'il a accompli pour devenir une femme est bluffant,même s'il faut naturellement y associer les préposés au maquillage,aux costumes et aux accessoires.Son duo avec son vieux copain des Inconnus Pascal Légitimus tourne à plein régime.Beaucoup de bons comédiens parmi les acteurs de complément,parmi lesquels se distinguent Catherine Mouchet,jamais vraiment remise de son personnage de sainte dans le "Thérèse" d'Alain Cavalier,excellente en bourgeoise coincée,Claire Nadeau,très bien en ex épouse compréhensive,un tout jeune Yoann Denaive qui confirmera son talent en assistant de Pierre Arditi dans la série pinardière "Le sang de la vigne",et le vieux Jacques Herlin,toujours extraordinairement émouvant.Apparaissent aussi les silhouettes familières de Jo Prestia ou Eric Naggar.