Je regarde pas mal de films de Wyler, en ce moment. Il en ressort qu'il était un excellent technicien, mais qu'il avait pas mal de tics d'Hollywood un peu agaçants. Hé bien, pas ici.

Le film a une histoire. Tourné en 1942, il était destiné à sensibiliser le public américain, encore neutre, aux sacrifices endurés par le peuple britannique, alors seul bastion de la démocratie restant en Europe. Mais le traitement est original, du moins je trouve.

On suit le quotidien d'une famille anglaise relativement aisée : Mrs. Kay Miniver (Greer Garson) a trois enfants, un grand qui revient d'Oxford, Vincent, et deux petits, dont le truculent Toby. Son mari (Pidgeon) est architecte. La première séquence est tout à fait amusante : Miniver, pestant contre elle-même, décide d'acheter un chapeau extravagant. De son côté, le mari achète une nouvelle voiture. Au dîner, ils cherchent chacun un moyen d'annoncer à l'autre qu'ils ont fait une folie. Clem, le mari, craque le premier, et du coup Kay a beau jeu de faire passer le chapeau. ça, et le mari qui entre pour trouver son fils en train de porter le chat dehors ("je ne peux pas m'arrêter, il va vomir") : on a ici un traitement particulièrement chaleureux et non conventionnel d'une famille moyenne. Garson et Pidgeon jouent admirablement un vieux couple fidèle, duo que l'on voit trop peu au cinéma, je trouve.

Il y a aussi l'intrigue de la rose : le chef de gare compte présenter au concours de fleur une rose qu'il a baptisée "Mrs. Miniver". Mais il se présente contre l'aristocrate du coin, Lady Beldon, qui gagne toujours et finance le concours. Cette marâtre a d'ailleurs une fille, Carol (lumineuse Teresa Wright...), dont bien sûr le fiston va tomber amoureux.

Et puis arrive la guerre. Le black-out. Les bombardements et les nuits passées dans la cave. L'espèce d'aération et de système antigaz foireux bricolé par Mr. Miniver. La peur de Kay chaque fois que son fils, engagé dans la R.A.F., part au combat. La réquisition de Mr. Miniver, qui participe à l'évacuation de Dunkerque (5 jours sans nouvelles !). Et finalement le bombardement du village. Le film se termine sur la communauté priant pour ses morts dans l'église détruite. Sermon du pasteur en faveur de la guerre totale pour la liberté (ça passe moins bien aujourd'hui). Puis la caméra se lève, regarde par un trou dans le toît. Sur le ciel, des escadrilles de 5 spitfires formant des V volent vers le front. Fin.

Oui, c'est un film de propagande, fait pour émouvoir. Mais le moyen utilisé est intéressant : on a là des stars d'Hollywood qui pour une fois ne se préoccupent pas d'intensité dramatique. Tout est underplayed. Mrs. Miniver intériorise sa peur pour ne pas inquiéter ses enfants. Mr. Miniver essaie de faire une blague pourrie pour donner le change alors qu'il n'en peut plus. Même la seule scène d'action du film, celle où un pilote allemand menace Mrs. Miniver avec un lüger, n'a rien d'héroïque. Et les gamins ne cabotinent pas, ils font des mots d'enfant, sans plus.

Bref, c'est un miracle suffisamment rare pour qu'on le souligne : un film hollywoodien qui n'est pas bigger than life. ça fait du bien et c'est émouvant.

Par contre, c'est assez ironique, cette condamnation des bombardements sur les civils, pour un peuple responsable de la destruction de la ville de Dresde...
zardoz6704
8
Écrit par

Créée

le 11 mai 2013

Critique lue 960 fois

6 j'aime

zardoz6704

Écrit par

Critique lue 960 fois

6

D'autres avis sur Madame Miniver

Madame Miniver
zardoz6704
8

Diablement émouvant...

Je regarde pas mal de films de Wyler, en ce moment. Il en ressort qu'il était un excellent technicien, mais qu'il avait pas mal de tics d'Hollywood un peu agaçants. Hé bien, pas ici. Le film a une...

le 11 mai 2013

6 j'aime

Madame Miniver
Maqroll
3

Critique de Madame Miniver par Maqroll

Que dire de ce film tourné quasiment au moment de son action, soit en pleine deuxième guerre mondiale d’une manière totalement académique par William Wyler qui venait pourtant de donner auparavant...

le 10 juil. 2013

4 j'aime

1

Madame Miniver
renardquif
10

Critique de Madame Miniver par renardquif

-Un Drame de William Wyler, daté de 1942, je ne pensais pas que ce cinéaste était si bon, en vérité il l'était, c'est un grand cinéaste, déjà son La vipère était incroyable, ce Mrs.Miniver achève de...

le 7 janv. 2023

2 j'aime

Du même critique

Orange mécanique
zardoz6704
5

Tout ou rien...

C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...

le 6 sept. 2013

56 j'aime

10

Black Hole : Intégrale
zardoz6704
5

C'est beau, c'est très pensé, mais...

Milieu des années 1970 dans la banlieue de Seattle. Un mal qui se transmet par les relations sexuelles gagne les jeunes, mais c'est un sujet tabou. Il fait naître des difformités diverses et...

le 24 nov. 2013

43 j'aime

6

Crossed
zardoz6704
5

Fatigant...

"Crossed" est une chronique péchue, au montage saccadé, dans laquelle Karim Debbache, un vidéaste professionnel et sympa, parle à toute vitesse de films qui ont trait au jeu vidéo. Cette chronique a...

le 4 mai 2014

42 j'aime

60