Park Chan-Wook est un réalisateur aussi adulé par beaucoup que méprisé par d'autres, presque aussi nombreux, et ce pour - peu ou prou - les mêmes raisons : sa virtuosité technique incomparable, son goût pour la perversité et la provocation potache. Avec "Mademoiselle", Park donne l'impression qu'il a voulu (ou du moins a réussi à) synthétiser totalement son cinéma : on peut donc affirmer avec confiance qu'il a réalisé là son chef d’œuvre, un film aussi totalement époustouflant que grossièrement frustrant, la perfection absolue (de la première partie, parmi les plus belles choses jamais vues sur un écran durant une vie entière de cinéphile) et la crapulerie ludique (de la troisième partie, enchaînement de scènes caricaturales) étant finalement les deux faces de la même pièce de monnaie. "Mademoiselle" fait parfaitement écho à "Mulholland Drive" (amours saphiques et contamination de la forme même du film par son sujet) comme à "Eyes Wide Shut" (goût pervers des mâles pour les mises en scène sadiennes et affirmation finale de la supériorité absolue de la femme), c'est dire à quel niveau il se situe, celui de Lynch et Kubrick, pas moins ! A partir de là, chacun d'entre nous va se sentir obligé de gloser à l'envi sur chaque détail de ce film monstrueux de 2h30, Park nous autorisant à penser tout et son contraire, et ce sera bien là l'un des plus grands bonheurs de cette année de cinéma 2016 : en sortant de la salle de cinéma, j'ai senti que j'emmenais avec moi, en moi, les personnages et l'histoire de "Mademoiselle", et nombre de ses scènes somptueuses et étourdissantes. Et que tout cela allait grandir en moi, et m'occuper pendant pas mal de temps. Merci à Park Chan-Wook pour ce précieux cadeau. [Critique écrite en 2016]