Mademoiselle est une fleur de cerisier. Colorée, délicate et subtile, elle offre bien des surprises. Le spectateur se verra plus souvent qu'il ne le pense positionné sur la corde raide...
Une première partie nous propose une sombre histoire d'escroquerie. La malheureuse demoiselle doit être offerte en mariage à un comte fictif, falsificateur patenté, et manipulée par sa femme de chambre inféodée au factice aristocrate. Sa fortune lui sera dérobée et la pauvrette devra finir à l'asile tandis que sa fourbe servante recevra sa part du butin.
La seconde partie montre un point de vue sensiblement différent. Le faux comte est en fait de mèche avec mademoiselle afin de l'extirper de sa geôle dorée, toutes proportions gardées. La femme de chambre doit être celle qui sera finalement flouée tandis que la fortune sera partagée entre les deux comploteurs.
Le dernier tiers, plus torturé et libérateur à la fois, ouvre le monde aux deux âmes qui se sont reconnues dans les méandres de l'amour tandis que le cerveau de l'escroquerie finit dans des affres de souffrance.
Ce récit est un drame, une manipulation à plusieurs niveaux, une tragédie sublime et sanglante. L'image est léchée, la réalisation millimétrée, les scènes superbes. Si le cadre est magnifique, les actrices et acteurs habitent leurs rôles respectifs et immergent totalement le spectateur dans cette cruelle et somptueuse tragédie. Tel l'effeuillage d'une hétaïre, les différentes couches révèlent peu à peu la profondeur de l'histoire et le spectateur comprend progressivement qu'il est l'objet d'une subtile manipulation narrative.
Ébahi par l'habileté dont fait preuve le réalisateur dans le montage de ses scènes, c'est au travers de tableaux tantôt suggestifs, d'autres fois plus inquiétants que le spectateur navigue dans ces eaux troubles où les estampes successives dessinent peu à peu la globalité d'une histoire tourmentée.
Au-delà de scènes d'une sensualité folle qui permettent à deux femmes de se découvrir des penchants saphiques, il s'agit bien là de la révélation pour deux âmes esseulées en quête de leur autre moitié que leur participation à une mesquine escroquerie n'est rien face aux sentiments qui les submergent.
Ne sombrant nullement dans le voyeurisme, ce film est simplement très beau. Le temps s'écoule sans même y songer et l'épilogue apparaît comme une ode à la liberté, surtout à cette époque, dans un pays pétri de règles et de devoirs.
Subtil, sensible et envoûtant, ce film est un bijou dont l'écrin est à la hauteur du contenu, méticuleusement façonné.