"C’est un thriller, une histoire d’arnaqueurs, un drame ponctué de rebondissements surprenants et plus que tout, une histoire d’amour." Qui d'autre que son réalisateur, le sud-coréen Park Chan-Wook, pouvait résumer ce qu'on ressent devant le visionnage de Mademoiselle ? Sorti en 2016, c'est sans conteste l'un des tout meilleurs films des années 2010 et un fleuron du cinéma coréen. Park Chan-Wook c'est quand même un gros gage de qualité, à savoir que c'est l'un de mes réalisateurs préférés venu de Corée. Il est surtout connu pour Old Boy, film primé au festival de Cannes (Grand Prix 2004), mais personnellement j'aime tout particulièrement JSA (l'un de mes films coréens préférés) et j'ai un gros coup de cœur pour Lady Vengeance (le troisième volet de sa trilogie sur la vengeance).
Comme pour beaucoup de films de Park Chan-Wook, Mademoiselle n'est pas un film pour tout le monde. C'est un thriller psychologico-érotique très dérangeant. Nous avons deux hommes et deux femmes au centre de cette histoire complexe. Kim Min-Hee incarne Dame Hideko (aka Mademoiselle) qui est sous l'emprise de son oncle (Cho Jin-Woong) aux habitudes pour le moins pervers. Quant à Sook-hee (Kim Tae-Ri) l'autre femme du film, c'est une voleuse qui se fait passer pour la servante de maison. Elle aussi est sous l'emprise d'un homme, le "faux" comte Fujiwara (Ha Jung-Woo) qui est un arnaqueur. Le faux comte essaie de monter une arnaque avec Sook-hee pour épouser Hideko. Pour la convaincre et la séduire il lui promet de la libérer de l'emprise de son oncle. Mais en réalité, il compte l'enfermer dans un asile pour profiter de sa fortune.
Mais je n'en dirais pas plus, pour ne pas spoiler, car Mademoiselle est un film à tiroirs avec de nombreux rebondissements. L'écriture du film est pointue, précise et ciselée pour un scénario machiavélique. Quant à la mise en scène et plus globalement la direction artistique, c'est du pur Park Chan-Wook et c'est donc somptueux. Il y a énormément de mouvements de caméra travaillés, de travelings, de flashbacks et de fondus enchaînés, avec énormément de détails en premier et second plan. Il n'y a pas un seul décor, pas un seul costume, qui n'a pas été minutieusement choisi. Tout particulièrement le manoir, dans lequel vivent l'oncle et Hideko, est à couper le souffle. Toutes les pièces du manoir sont chargées d'objets de décoration somptueux, parfois même un peu trop chargées. Le film est d'une richesse visuelle hallucinante et on en ressort avec un sentiment fort d'onirisme, de poésie ... et de sexe.
Mademoiselle c'est donc un thriller psychologico-érotique. Je reviens là-dessus, car il y a énormément de sexe dans ce film. Les scènes de sexe sont crues, noires et cruelles, mais elles se justifient totalement, car elles s'intègrent parfaitement dans la narration du film. Mais au fond, Mademoiselle c'est aussi un film romantique ...
Au final, Hideko fait le choix de rester avec la servante. Ce choix est bien lié au fait qu'elle en tombe amoureuse, ou tout du moins qu'elle se sent irrésistiblement attirée par elle. Pour elle, ça aurait été plus simple de s'en tenir au plan initial, de partir au Japon avec le faux comte et y rester ... mais voilà qu'apparait Sook-hee. Avec Sook-hee, c'est la première fois qu'elle ressent ce qu'elle a lu dans tous les bouquins érotiques de son oncle.
Les scènes de sexe sont donc parfaitement justifiée et intégrées dans le film, puisqu'elles racontent quelque chose sur les personnages. Elles nous parlent du rapport complexe qu'entretiennent, d'une part l'oncle avec le sadomasochisme (ou quand la douleur donne du plaisir) et d'autre part Hideko avec le sentiment amoureux. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, les scènes de sexe ne sont pas du tout racoleuses, mais montrent bien qu'Hideko préfère le sexe doux avec une femme, que d'être traitée comme un objet SM par les hommes de son oncle.
Il ne faut jamais sortir les scènes de sexe de leur contexte et de l'intention de l'auteur. On n'est pas du tout dans une série HBO (Rome et Games of Thrones), où les scènes de sexe sont là pour attirer le spectateur. Ici, les scènes de sexe sont bien intégrées dans un récit. Et tout comme dans La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche, les scènes saphiques (que certains qualifieraient de décadentes) sont magnifiquement filmées, avec des choix de réalisation, avec une intention de mise en scène très "charnelle" et très "réaliste".
Je vais m'arrêter là sur le film, car il regorge de "bonnes" surprises qui font tout le sel de ce thriller psychologico-érotique machiavélique. C'est un film étouffant, dans tous les sens du terme, et qui risque de ne pas vous laisser indemne.