Mademoiselle Drot
6.5
Mademoiselle Drot

Téléfilm de Christian Faure (2010)

C'est bon, c'est des faux juifs, l'honneur est sauf !

J'aime bien commenter des trucs que personne ne regarde. Je me sens pas influencé par les autres critiques. Enfin, comme le résumé spoil comme un gros putois j'étais influencée quand même.
Ceci dit, ce n'est pas pour ça que je me sens dans l'obligation de faire une critique sur ce téléfilm français. Pour tout dire, j'avais beaucoup d'attentes quand j'ai lu le résumé à la télé (qui en dit beaucoup moins). Certes, la seconde guerre mondiale a été traitée des milliards de fois, tout support confondus et on pourrait croire qu'il n'y a plus grand chose à dire dessus. C'est là qu'arrive mademoiselle Drot, catholique française et ... antisémite. Un petit détail qui nous rappelle que l'Europe ETAIT antisémite, qu'Hitler a été élu premier chancelier, que la France et l'Angleterre ont laissé faire le petit moustachu hargneux dans l'espoir de le voir détruire les juifs qui représentent une épine dans le pied de beaucoup de gens. Pourquoi tant de haine ? Parce que les politiques répondent aux désirs du peuple. Parce que c'est la crise et que toutes les crises demandent un bouc-émissaire. Un voleur responsable du malheur de tous, si possible une minorité facile à repérer pour souder l'identité nationale. Ca ne vous rappelle rien ? Les roumains par exemple ? Les arabes, les portugais ou l'idée archaïque que tous les juifs sont riches et banquiers ?


Bref, un thème qui promet une belle transposition, à la fois fresque historique que l'éloignement temporel nous permet de tisser et une mise en garde de notre comportement présent, deux ans après la crise financière.
Malheureusement, c'est raté sur tous les plans, essentiellement à cause de ses personnages.


Commençons pas Mademoiselle Drot. Une femme sobre, très très très pratiquante, issue d'une famille riche/noble/aucune-idée-mais-elle-est-éduqué-et-hautaine, qui se voit obligée de servir comme domestique dans une famille de juif. Passons le fait qu'elle ignore la religion de ses employeurs qu'elle pense athée jusqu'à ce qu'on lui dire le contraire pour arriver directement sur sa réaction face à cette révélation. Tomber dans les pommes. Yep. Outre le fou rire que je me suis tapé devant mon écran, cette scène marque le début de deux problèmes qui pourrissent l'idée du film.
1 - Mademoiselle Drot est seule représentante de l'antisémitisme. Certes la cuisinière sort deux petites phrases assez salée mais ça s'arrête là. Quand elle se presse au courant pour en parler à une nonne, toute choquée et larmoyante qu'elle est, la vieille dame se contente de lui répondre que c'est une réaction ridicule, que Dieu aime tout le monde et que Jésus était juif. Vas y pas qu'elle se jette au confessionnal et que le prête lui demande de se calmer parce qu'elle est débile.
Dans ces conditions, Mademoiselle Drot devient une anomalie, une étrangeté qui ne représente ni la majorité, ni la religion chrétienne. On n'arrive pas à ressentir la moindre compréhension ni la moindre empathie pour cette chose qui déteste gratuitement ses maîtres, seule contre tous.
2 - Le deuxième problème concerne les juifs eux-mêmes, ou plutôt ce qui leur est reproché. A savoir : travailler dans l'art moderne, vivre de fête et, surtout, être juif. Si au début de l'histoire, Mademoiselle Drot les considère juste comme des gens de mauvaise moeurs, c'est bien la jupinerie qui la dérange au point d'éviter le contact physique. Sauf que ... ils ne sont juifs que de sang. Arbre de noël, aucune référence à Shabbat, pas un pet d'hébreu, pas de cousin/neveu qui fait sa barmitsva, même pas une petite méchouille frisée pour faire semblant. Bon ok, je balance des clichés racistes mais une question s'est posée à moi à ce moment là "quel est l'intérêt de mettre une extrémiste catho dans une famille de juif si celle-ci n'est pas aussi extrémiste juif ? Ou au moins représentant des juifs fortunés de l'époque, ceux qu'on accusait d'être responsable de la pauvreté. " Ce n'est pas un problème en soi mais ajoutons à cela qu'ils sont, de très loin, les deux personnes les plus gentilles et adorables que j'ai vu de ma vie et on ne comprend vraiment plus comment mlle Drot peut les détester. Sauf qu'on est à 15 minutes de films et qu'elle va les détester encore longtemps. A aucun moment la confrontation n'a eu lieu, les thèses ne sont pas développer car Mlle Drot reste mystérieuse tout le long. Donc elle ne défend pas son point de vue, Antoinette ne défend pas son mode de vie, l'histoire n'est même pas vraiment autour de ça.


Les mauvaises graines sont semées, l'éclosion approche avec l'arrivée de la guerre et l'échec français. La grand mère dit cette phrase que je sentais venir comme un bourreau qui décapiterait définitivement l'intérêt du film. "Nous sommes plus français que Juif, bien intégrés depuis des générations, pas comme ces gens qui viennent d'arriver." Il y a eux, et les juifs. Ils ont droit à notre sympathie parce qu'ils sont surtout français. Qu'est-ce qu'on est supposé comprendre de ce message ? La racisme c'est seulement pour les gens qui ont pas eu le temps de s'intégrer parce qu'ils viennent d'arriver ? Il faut ignorer tes racines, ta religion, pour te fondre aux moeurs de ta société ? Quel odieux message en 2010.


Ceci dit, le film était encore pardonnable à ce moment là. Puis la femme accouche du petit Maximilien et Mlle Drot devient gaga du bébé. Pour lui, elle va prendre tous les risques, pour ses beaux yeux elle va définitivement abandonné son propre enfant. Oui, parce qu'en fait ce n'est pas l'histoire d'une Catholique qui protège des Juifs malgré une haine ancestrale, c'est l'histoire d'une femme qui protège un enfant innocent qu'elle aurait souhaité être sien. Ce n'est pas nécessairement un mal en soi mais c'est une histoire comme un milliards d'autres, sans ambition. D'ailleurs la "fidélité" à sa maîtresse tient plus de l'amour qu'elle porte pour le fils et la fin est d'autant mieux venue qu'elle peut avoir la baraque, le fils et personne pour l'emmerder dans son éducation. Limite si le message c'est pas de "libérer l'enfant de ses affreux parents qui vendent des peintures de nues". Enfin j'exagère là.


Enfin, cerise sur la gâteau, la caméra n'est jamais correctement placée. Trop près des personnages dont elle coupe les cheveux ou le menton, toujours à tourner autour de Mlle Drot, beaucoup trop vite (ça donne la gerbe), certains personnages n'articulent pas bien. Tous les autres personnages sont inutiles. C'est mal réalisé quoi.


Cependant, tout n'est pas à jeter, je laisse quelques petits points par-ci par là pour aboutir à 4/10.


Pour terminer une scènes ridicules symptomatique des problèmes du téléfilm :
*Mlle Drot montre de faux papiers à des allemands dans le train, elle met sa croix en évidence pour calmer les doutes du soldat. Sa maîtresse qui regarde la croix et dit "quel jolie bijou". Sérieusement ?! On est en 1940, ça fait deux ans que c'est ta domestique, elle passe tout son temps libre au couvent, elle fait sa prière tous les soirs, mange du poisson tous les vendredis, il y a une croix EUNORMEUH dans sa chambre, chambre où tu as dormi au moins une fois et toi, tu voix la croix qu'elle porte TOUJOURS au cou et tu dis "quel joli bijou" avec un air surpris genre à te demander si, peut-être, elle serait pas catholique comme 99% de la population de l'époque ? C'pas possible d'être gland à ce point ... è_é

EliseMarty
4
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le 24 nov. 2015

Critique lue 1.5K fois

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