Pedro Almodovar est un fameux conteur d'histoires et sans doute le meilleur peintre de portraits de femmes au cinéma.
Son dernier film, Madres Paralelas, ne fait pas exception et mérite un coup de coeur.
On a le grand plaisir d'y retrouver une Penelope Cruz toujours aussi rayonnante et même une jeune actrice de 25 ans tout aussi photogénique et capable de lui donner la réplique : Milena Smit.
D'entrée de jeu, Almodovar ouvre un sacré sujet : l'ouverture des fosses communes où furent enfouis, au temps de la dictature franquiste, les victimes des phalangistes.
Ce sont les petits-enfants qui réclament aujourd'hui une sépulture décente et non anonyme pour leurs grands-parents, alors que les autorités font la sourde oreille en attendant que les dernières grands-mères survivantes aient disparu.
L'Espagne n'a toujours pas réglé tous ses comptes avec la guerre civile.
Almodovar dissimule son propos derrière un presque vaudeville filmé comme une pièce de théâtre : deux mères vont accoucher en même temps. L'une est déjà d'âge mûr, l'autre est une toute jeune fille, les deux bébés naîtront sans père.
Un film sur la filiation, que ce soit pour les mères d'aujourd'hui ou pour les fosses communes d'hier.
On ne peut guère en dire plus sans trop en dévoiler mais le cinéaste manipule le spectateur de main de maître.
On peut citer une interview d'Almodovar :
« Pendant les quarante ans de la dictature, les vaincus, c’est-à-dire les Républicains et leurs familles, ont gardé un silence total sur la guerre civile, un silence absolu, traumatique et, je pense, pathologique. Chez nous, mon père, qui avait fait la guerre, n’en a jamais dit un seul mot. Il n’y avait donc pas cette sensation d’avoir vécu une grande tragédie. Curieusement, ce sont les arrière-petits-enfants qui réclament l’exhumation. Ils n’ont pourtant pas connu cette période et n’ont pas ces fantômes du franquisme.
L’Espagne est un peu une exception. L’Italie, l’Argentine, le Chili ont tous connu des dictatures, des fosses communes, mais ces pays ont tous résolu cette situation bien avant nous. En Espagne, ça prend beaucoup de temps et c’est triste. L’Espagne n’a pas une bonne relation avec son passé. »