Chronique : Pedro Almodovar signe avec Madres Paralelas un drame intense parcouru par de nombreux thèmes récurrents dans son cinéma. Il est ainsi beaucoup question de la figure maternelle, les deux héroïnes se projetant avec plus ou moins d’inquiétude dans leur futur de mère célibataire.
Mais aussi de filiation, avec en écho aux histoires de Janis et Ana une intrigue secondaire qui voit des descendantes de victimes du franquisme se battre pour obtenir des autorités l’autorisation d’extraire d’une fosse commune les dépouilles de leurs aïeux pour leur offrir des sépultures décentes. Marqueur essentiel du cinéma d’Almodovar, l’exploration des genres et des sexualités est évidemment présente mais le cinéaste ne semble plus éprouver le besoin d’en faire une provocation. C’est comme s’il estimait (espérait) que le boulot était fait et que la société avait intégré ces bouleversements.
Madres Paralelas est riche de toutes ces thématiques et déroule une intrigue mêlant exquisément mélodrame et thriller psychologique. Grâce à des ellipses, des sauts dans le temps et des non-dits, le cinéaste installe un mystère, un suspense de plus en plus prenant. Une réalisation discrète et sobre mais joliment pimentée par sa science du cadre habille parfaitement ce mélo passionnant et rend surtout justice à sa divine direction d’actrices. Sa muse, Penelope Cruz, n’est jamais meilleure que lorsqu’il la dirige. Elle trouve ici un de ses plus beaux rôle. Vibrante, sincère, tourmentée. Elle est bouleversante en somme. A ses côtés, Minela Smit, nouvelle venue à l'étrange beauté androgyne, se révèle instantanément convaincante dans l'univers d'Almodovar.
Cette chronique féminine se double d’un regard accusateur sur le passé franquiste et du devoir de mémoire d’un pays meurtri. L'alliance du passé et du présent, de l’individuel et du collectif suscite in fine une vive émotion.
Moins flamboyant sans doute que ses films de jeunesse mais tout aussi passionnant, Madres Paralelas s’inscrit dans la veine plus apaisée, plus introspective des dernieres œuvre d’Almodovar comme Douleur et Gloire ou Julieta. Et c’est toujours aussi fort.