Magie noire
4.5
Magie noire

Court-métrage de Fanny Ardant (2017)

"Peu importe ce que disent les paroles, c’est l’imaginaire qui commande".
C'est en ces mots que s'achève le résumé du film de Fanny Ardant, que l'on connaît mieux actrice que réalisatrice.


Et rien n'est plus vrai que cela.


Magie noire est de ces films qui se soumettent à la discrétion du spectateur pour trouver un de leurs nombreux sens potentiels et qui, étant si obséquieux et si plein de potentiel sémantique, donnent au spectateur l'impression qu'ils ont un sens qu'il ne sait pas trouver.


Qu'est-ce que la magie noire ici? L'Amour? L'Heimweh? La musique peut-être qui, en plus de voguer de l'un à l'autre, se fait vaisseau traversant les réalités, les mondes, les ressentis, les phénoménologies ...


Un champ sémiotique truffé de symboles et de pistes narratives, un puzzle et un spectateur enquêteur qui cherche à démêler l'inextricable fatras de sens.


Hasardons quelques interprétations.
* Naïve: une jeune tzigane a fui un amant importun à Paris et s'est caché à l'Opéra. Mais ce dernier l'y retrouve et


l'y tue.



  • Symbolique: une représentation de l'amour physique et de la puissance. Un couteau passe de main en main, de celle de la gitane à celle du gitan. Le couteau est symbole phallique de virilité et de force. Or ce couteau, la gitane semble le laisser tomber à ses pieds et lui l'ouvrir devant elle. Mais il lui donne ou rend. Notre bonhomme semble impuissant. La gitane part alors en quête de voix puissantes, ce qui lui rappelle la scène: elle recherche ailleurs cette virilité introuvable. C'est alors que, sensible à la sensualité qu'incarne la musique, notre gitan prend puissance et


    passe à l'acte. Le couteau est cette fois planté. La messe est dite.


  • Existentielle, à la Kierkegaard : All world is stage, le monde entier est un théâtre. Fanny reprend Willy et dit: c'est une scène d'opéra. Dans les coulisses de cette scène - le sommeil? La méditation? Le Bilan? - la gitane, allégorie de la vie, écoute les sons de l'existence et lui viennent alors les réminiscences du monde commun à l'avant et l'après. Dans ce jardin, un homme avec un couteau. Un Prince charmant et ce qu'il représente bien souvent. Et in Arcadia Ego ! Dans le monde pastoral des tzigane, il ne peut frapper, dans le monde terrestre parisien, il le peut et le fait. Être ou ne pas être: Fanny aime décidément beaucoup Willy.



Ou bien n'est-ce qu'un enchevêtrement de plusieurs histoires disparates que seule la musique rallie, superpose. Une ode à la musique, cette magie noire ...


On peut donc prendre plaisir à conjecturer comme s'énerver à ne pas comprendre.
Ce court-métrage divise donc, d'où mon 5 baccara.

Frenhofer
5
Écrit par

Créée

le 4 juin 2017

Critique lue 1.1K fois

6 j'aime

Frenhofer

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

6

Du même critique

Les Tontons flingueurs
Frenhofer
10

Un sacré bourre-pif!

Nous connaissons tous, même de loin, les Lautner, Audiard et leur valse de vedettes habituelles. Tout univers a sa bible, son opus ultime, inégalable. On a longtemps retenu le film fou furieux qui...

le 22 août 2014

43 j'aime

16

Full Metal Jacket
Frenhofer
5

Un excellent court-métrage noyé dans un long-métrage inutile.

Full Metal Jacket est le fils raté, à mon sens, du Dr Folamour. Si je reste très mitigé quant à ce film, c'est surtout parce qu'il est indéniablement trop long. Trop long car son début est excellent;...

le 5 déc. 2015

35 j'aime

2

Le Misanthrope
Frenhofer
10

"J'accuse les Hommes d'être bêtes et méchants, de ne pas être des Hommes tout simplement" M. Sardou

On rit avec Molière des radins, des curés, des cocus, des hypocondriaques, des pédants et l'on rit car le grand Jean-Baptiste Poquelin raille des caractères, des personnes en particulier dont on ne...

le 30 juin 2015

29 j'aime

10