Le poliziottesco, on le sait, n’a pas pour vocation de faire dans la dentelle : il faut que ça bastonne, que ça éructe et que ça saigne. De toute évidence, ce néo-polar italien signé Stelvio Massi, qui s’est spécialisé dans le genre à ses débuts, est une curiosité. Entre une intrigue tragique qui se met habilement en place, un flic brutal mais soucieux de respecter la loi et un rôle consacré à la presse qui permet d’apporter un autre regard que ceux, habituels, de la police et de la pègre, et nous voilà en contact avec un film plus profond que beaucoup de ses contemporains. L’ouverture du film est, déjà, un bon indicateur. Une chanson mélancolique à la guitare, un jeune paumé qui rêve de s’élever dans la société et un chef de la pègre aveugle lancent les premières minutes. Moins rentre-dedans qu’à l’accoutumée, le film déroule une tragédie autour de ce voyou en herbe qui fera se télescoper un flic aux méthodes expéditives, un truand impitoyable et un journaliste idéaliste.
Si le réalisateur n’oublie pas de glisser une scène de baston (qui n’a rien de gratuite), une course-poursuite en bagnole et quelques fusillades, ce poliziottesco ne tombe jamais dans la surenchère et a même plutôt tendance à se rapprocher du drame. Certains amateurs pourront en être déçus et trouver le résultat trop fade. Pourtant c’est intelligemment pensé et parfaitement orchestré. Par ailleurs, par rapport à d’autres productions du genre, le film est porté par des acteurs tout à fait solides, à commencer par John Saxon et Lee J. Cobb qui donnent une vraie crédibilité à l’ensemble. Le discours social est également plus fouillé qu’à l’accoutumée (les jeunes qui sont nés sans le sou ne peuvent s’élever dans la hiérarchie sociale qu’en devenant des voyous même s’ils n’en ont pas l’étoffe).
Il est résulte un film surprenant, globalement intelligent et bien vu, soutenu par un récit bien fichu qui met en scène une tragédie en marche. Moins caricatural que la série des « Mark la gâchette » ou des films dans lesquels il a mis en scène Maurizio Merli, ce Magnum 44 Spécial (titre, bien entendu, de circonstance n’ayant absolument rien à voir avec le contenu du film) est un polar qui évoque davantage les polars français à venir où la jeunesse se trouve au cœur d’une société dont les codes ont changé mais où elle n’arrive pas encore à trouver sa place. Le final feutré en décevra, c’est évident, certains, mais voilà un film malin qui renvoie tout le monde dos à dos, alors que ce cinéma de l’époque avait tendance à ne fustiger qu’un groupe politique. Ici, on comprend bien que les choses ne sont pas aussi simples et que c’est pour cette raison que la société de l’époque était désemparée.