Second Maigret avec Gabin et dirigé par Delannoy (il y aura un troisième opus avec Gabin, réalisé par Grangier cette fois : Maigret voit rouge), L'Affaire Saint-Fiacre est comme son prédécesseur (Maigret tend un piège) une adaptation très libre d'un roman (toujours éponyme) de Simenon. Moins sombre et étouffant, ce second volet est caractérisé par une écriture acide et une sacralisation de Maigret, irréprochable tranquille. La drôlerie et la psychologie y ont une plus grande place, mais c'est peu dans le ton du Maigret de papier (les aspects 'sensoriels' sont élagués – et réformés). Sauf (en tout cas à l'heure des résolutions) en ce qui concerne la texture des relations humaines : intéressées, mêlant raisons animales et mondaines, dépourvues de cruauté ou alors nées de la passion (pour ce dernier aspect, le piège est plus volontaire).
Répondant à l'appel de la comtesse de Saint-Fiacre (Valentine Tessier), le commissaire est ramené dans les territoires de son enfance – une commune imaginaire située dans l'Allier. La lettre de menace reçue par son ancienne prof (lui promettant la mort au mercredi des Cendres) apparaît aux protagonistes comme un prétexte pour se revoir plus que comme un motif d'inquiétude ; la séquence de l'église trompera cette légèreté, la comtesse y perdant mystérieusement la vie. Gabin Maigret entame alors une enquête qu'il conduira avec succès, contrairement au Maigret du roman, dépassé par l'avocat Maurice. Dans le film, ce protagoniste interprété par Jacques Morel est présenté comme un malin sans grâce et ses contributions sont plutôt parasitaires. Il fait partie des fossoyeurs de la morale et des douceurs de la province.
Le commissaire a le beau rôle, la vertu de son côté sans l'entacher de niaiserie, car c'est un blasé, voire un cynique aussi à sa façon. Delannoy (assisté du scénariste suisse Rodolphe-Maurice Arlaud) porte des coups rudes contre ses personnages (souvent détestables, salement ambigus ou déloyaux) et contre certaines mœurs propres à l’Église, souvent par la suggestion. Le point de vue est réactionnaire et aristocratique, Maigret avant d'être enquêteur est l'homme fort d'une telle philosophie ; façon pour le réalisateur de rendre légitime cette commande (réclamée à cause des 3.1 millions d'entrées du Piège). Delannoy retentera le coup avec Gabin dans Le baron de l'écluse, comédie privée de génie par sa paresse et quelques tendances démagogiques mal digérées. Le retour de Maigret à St-Fiacre sera plus tard l'objet de quatre adaptations audiovisuelles, comprenant un volet (en 1980) pour la série d'Antenne 2 avec Jean Richard (Les Enquêtes du commissaire Maigret, 1967-1990) et un autre pour celle de France 2 avec Cremer.
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