De manière générale, le cinéma grand public souffre d'une mauvaise image auprès de nombreux cinéphiles accomplis. Il suffit de se rendre sur certains sites culturels pour constater que les notes ne volent jamais très haut. Mais où est donc passée la 7ème compagnie ? de Robert Lamoureux ne fait pas figure d'exception à cette règle, bien au contraire. Souvent considéré comme un cinéma pantouflard et de beauf, Lamoureux propose pourtant un film léger de prime abord, à l'humour qui fait mouche, mais plus profond qu'il n'y parait au premier coup d'oeil.
La réelle force du film de Lamoureux, c'est de rire de la plus grande défaite de l'armée française de son histoire depuis, probablement, la retraite de Russie des forces de Napoléon. La France est en débâcle face à l'envahisseur allemand auquel s'oppose deux styles de vie diamétralement opposés à l'époque, entre une Allemagne qui prône la force, qui conquiert, qui parait si sérieuse et une France à la douceur de vie, où l'on profite de la nature et même la guerre n'empêchera pas cela. Il est évident que l'oeuvre doit être lue avec un second degré constant. Les Français sont dépeints comme fainéants dans cette guerre, totalement dépassés par la force et la rigueur allemande.
L'humour est constant, surtout présent dans sa seconde partie. La 7ème compagnie nous réserve énormément de moments cultes, entre Chaudard qui nage, le colonel et son "Pas si vite" et entre autres, la fameuse séquence de l'épicerie et du saucisson à l'ail où Jean Lefebvre nous parle avec un petit accent allemand. Il y a aussi son fameux "J'ai glissé chef", qui me rappelle au-delà du film énormément de souvenirs de mon grand-père imitant Pitivier. On ressent d'ailleurs que le trio de comédiens s'est amusé à faire cette oeuvre où un charme constant finit finalement par en ressortir. Que ce soit Mondy, Lefebvre ou Maccione, ils se sont évidemment inscrits dans l'imaginaire collectif comme étant désormais Chaudard, Pitivier et Tassin. Et rien que pour cela, c'est très fort.
L'oeuvre fonctionne toujours très bien quarante ans plus tard. L'humour fait toujours mouche et le sujet parle toujours autant, preuve probablement d'un certain universalisme dans l'oeuvre de Lamoureux. Celui-ci n'avait certainement pas la prétention d'être Kubrick dans sa manière de faire des plans ou de réaliser un film, mais il n'empêche que son sujet montre une autre guerre, une autre façon de voir les événements, avec toujours ce second degré, cette distance sur l'horreur. Bien entendu, la première partie du film manque un peu de rythme. Le genre présente aussi quelques limites.
Mais pour moi, Lamoureux, c'est la preuve qu'il ne faut pas toujours être sérieux au cinéma. C'est la preuve aussi que le cinéma populaire propose des oeuvres intéressantes, plus intelligentes qu'il n'y parait au premier abord et en dépit de quelques défauts. Le cinéma populaire peut également faire passer des émotions importantes à travers l'humour et le second degré. Et pas forcément besoin d'être un beauf pour l'apprécier de temps en temps à sa juste valeur.