- Là-bas ! Un couteau ! Je l'ai vu ! Je l'ai vu !
- Qu'as-tu vu, cette fois ? Encore une excuse... C'est la faute de l'éducation que tu as reçue dans cette école. On ne t'enseigne que des bêtises. Tu n'aurais jamais dû y entrer. Tu n'as pas un comportement normal. Allez, descends. Alors, où est-il ? Il a disparu ? C'est quoi, comme couteau ? Un poignard ou une épée ? L'archange Gabriel est venu punir tes péchés ?
- Arrête ! Tu es méchant parfois.
Un giallo remarquable !
Mais... qu'avez vous fait à Solange ? réalisé par Massimo Dallamano et basé sur le roman d'Edgar Wallace, est un Giallo époustouflant qui avec sa consonance thriller, vient à la fois dompter et démantibuler le genre en transgressant avec les éléments les plus codifiés des productions équivalentes. Des œuvres qui pour nombre d'entre elles se limitaient à une rétrospective où il s'agissait de soumettre un mystérieux éventreur à l'identité facilement décelable, qui pour des raisons primaires écharpait des femmes à poils sous un déluge de violence (en gros, un Giallo). Des éléments que l'on retrouve dans ce long-métrage mais dans une mouvance beaucoup plus complexe et pertinente, illustrant un tueur en série énigmatique motivé par un sentiment d'injustice et de tragisme trouvant un soupçon de réconfort dans la radicalité d'une vengeance. Un assassin dont l'identité restera une surprise, qui trouvera toute son intelligence et sa complexité par le contexte lourd de sens du pourquoi du comment, au cours d'un dénouement étourdissant. Une histoire décomposée par des secrets qu'il va falloir percer à jour et réassembler pour avoir un semblant de réponse à travers une enquête saisissante.
L'histoire d'une enquête policière située à Londres, durant laquelle un psychopathe assassine des jeunes femmes venant d'une école catholique privée pour filles, qu'il assassine de manière abjecte en enfonçant une longue lame dans leur sexe. Une séquence abominable dont sera témoin l'élève Elizabeth Seccles (Christina Galbo), qui est dans l'incapacité de prévenir la police car au moment des faits, elle flânait amoureusement sur une embarcation dans les bras de son professeur Henry Rossini (Fabio Testi), qui va être contraint de prendre part à l'enquête en tant que suspect. Pour porter ce terrible périple, le récit compte des personnages savamment construits qui tirent le mystère vers le haut. Des protagonistes couronnés par une excellente distribution où chacun devient à son tour le coupable, la victime, puis l'innocent. Fabio Testi en tant que Enrico Rosseni est excellent ! Le comédien porte avec charisme cette enquête terrifiante. La comédienne Karin Baal sous les traits de sa femme Herta, incarne avec force une femme frigide et jalouse. Cristina Galbo pour la petite copine inexpérimentée "Elizabeth Seccles", offre des moments d'excentricités mémorables. Camille Keaton pour la fameuse Solange Beauregard, est particulièrement convaincante en tant personnage phare du film. Joachim Fuchsberger pour l'inspecteur Barth fait le taf. Le casting secondaire fonctionne bien avec Karine Baal, Giovanna Di Bernardo, Gunther Stoll...
Un scénario ambitieux coécrit par Peter M. Thouet et Bruno Di Geronimo, qui se distingue également par la pertinence de son texte de fond, qui accoste plusieurs thématiques sociétales situées dans les années 70, avec : les castes sociales, l'approche relative au clergé, l'éducation avec pour ligne conductrice une lutte générationnelle entre un vieux monde bienséant qui ne comprend plus sa jeunesse dépravée. À quoi s'ajoute un discours autant fascinant que inquiétant autour de l'avortement et des causes irresponsables à consommer le sexe sans un minimum de réflexions au préalable. Une adresse à extérioriser de façon intelligible, délirant et palpitant les maux d'une époque par le biais d'un récit sophistiqué et habile, qui dans l'élaboration de son intrigue n'oublie pas de rendre son film divertissant. Des rebondissements savamment articulés autour d'un suspense soutenu qui met au premier plan des meurtres atroces, que le cinéaste italien a la bonté de nous épargner en n'offrant à aucun moment les détails gores des scandaleuses tueries. On se contentera de quelques scènes érotiques finement véhiculées.
Au-delà de son intrigue policière remarquable, Mais... qu'avez vous fait à Solange ? est une perfection cinématographique. Massimo Dallamano propose une esthétique inventive et risque-tout qui dans un mélange de technicités va s'avérer fantastique. Des effets soignés qui donnent une empreinte mystique à cette œuvre subversive. Une réalisation qui ne laisse rien au hasard en alternant des effets de styles efficaces, que la photographie signée "Joe D'Amato", vient bonifier, pour offrir une image percutante. Un ensemble convaincant orchestré autour d'une mise en scène atmosphérique, à l'origine d'une ambiance mortuaire inquiétante et oppressante. Une dynamique de techniques abouties qui se traduit par une résultante de séquences aussi éprouvantes et perverses que surprenantes, tels que :
- la scène du meurtre dans la baignoire intégralement tournée via une caméra subjective qui renvoie le point de vue de l'agresseur;
- les cauchemars hystériques de Christina sur un filtre de couleur fantasmagorique;
- un jeu malsain et pervers de voyeurisme symbolisé par un œil transperçant un mur donnant sur les douches des filles sur lequel alternent les plans aux ralentis et en caméra subjective;
- jusqu'au flashback de Solange, qui va schématiser l'ensemble des composantes techniques jusqu'ici proposées pour un résultat terrifiant.
Un rendu cinématique d'une richesse trépidante que la composition musicale du génial Ennio Morricone vient achever avec panache. Une partition magnifique avec un lyrisme saisissant, qui tourne à une pièce stridente et flippante !
CONCLUSION :
Mais... qu'avez vous fait à Solange ? du cinéaste italien Massimo Dallamano, est un des plus beaux représentant du genre " Giallo ", qui dans une forme où l'on ne l'attendait pas livre un discours critique implacable sur la société contemporaine en osant braver certains tabous propres aux années 70. Un film aussi dévastateur que délicat au service d'un divertissement surprenant appuyé par des rebondissements efficaces autour d'une enquête palpitante. Un bon scénario au résultat inattendu qui offre une pièce macabre de choix pour une palette de personnages intéressants portés par un casting investi. Un sacré film que le génial Ennio Morricone honore de sa performance pour mon plus grand plaisir.
Un classique qui aussi bien dans le fond que la forme demeure une leçon de cinéma.
Petit bonus, la composition d'Ennio Morricone : https://www.youtube.com/watch?v=9sZ1LGE8eNw
Maintenant, c'est ton tour... Janet... C'est ton tour...