Le parcours que suivent ces soldats ressemble à cet aller-retour effectué par les bolides rouillés du dernier George Miller : une longue errance existentielle maquillée sous des fards belliqueux. Car nous ne comprenons guère les motivations dudit Dundee : volonté de restaurer sa gloire passée ? de prouver sa valeur ? signe de démence ? Telles sont les hypothèses qui accompagnent le spectateur devant ce long film de Sam Peckinpah. Tous sont perdus d’avance ; il n’y a qu’à voir les recrues ramassées un peu partout, sans prise en compte de leurs aptitudes physiques. L’enjeu principal – mettre la main sur trois jeunes garçons enlevés par des Indiens – est résolu avant la première heure par l’intermédiaire d’un Indien lui-même qui, lassé des siens, rapporte les trois garnements munis d’arcs et de flèches. À partir de là naît à l’écran la déception profonde d’un homme dont la seule raison existentielle tenait justement dans cet exploit avorté. Que faire maintenant qu’il n’y a plus rien à faire ? Ses vieux démons le pourchassent jusqu’à le rattraper : l’alcool occupe le segment médian du film, conduit le major à abuser d’une belle femme et de tromper la confiance de celle qui l’aimait. Le bleu des yeux de Charlton Heston glace et excuse d’un même regard, traîne la détresse sur un visage aux traits taillés à coups de serpe. La seconde mission du major, celle qui consiste à affronter en duel son ennemi intime, échoue elle aussi par le sacrifice de ce dernier face aux troupes françaises. La longueur de Major Dundee épouse la langueur maladive de son personnage, élabore un vaste crescendo dramatique au terme duquel la violence la plus cruelle aura cédé le pas au burlesque des premiers temps. Peckinpah illustre parfaitement le déclin d’une mythologie américaine qui ne parvient à trouver un sens dans un monde désenchanté et inscrit son film dans un contexte d’épuisement des troupes : les derniers mois de la guerre de Sécession transforme les soldats en machines de guerre qui doivent désormais obéir à un ordre et remplir un contrat s’ils ne veulent pas disparaître. Un western éprouvant, disséminant les germes d’un genre tout entier voué à se ramifier dans un long crépuscule.