Ça tourne au vinaigre
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Demi-tour brutal pour Cedric Kahn qui n'a pas l'air d'avoir envie de se définir (donc de potentiellement s'enfermer) dans un style.
Après l'extrême rigueur politique de son brillant L'affaire Goldman, le réalisateur opte, quelques mois plus tard, pour son extrême inverse, tant dans le fond que dans la forme.
Visant d'abord le vaudeville jubilatoire et le film de backstage à 100 à l'heure sous forme de bêtisier permanent, peuplé de personnages joyeusement caricaturaux, autant qu'hommage jubilatoire et attendri à un monde du cinéma dont il decortique les arcanes et les travers connus, le réalisateur semble pourtant ne pas savoir trancher et, dépassé par son sujet, s'emporte.
Le ton oscille tout du long maladroitement entre absurde, comique et gravité, sans faire l'effort de la transition. Les personnages se limitent à la fonction et au caractère qu'on a bien voulu leur attribuer, empêchant toute liberté, toute respiration. Dans ce film illustrant le désordre, le chaos d'un tournage et les déboires humains et économiques rencontrés, tout semble finalement bien verrouillé par un scénario en dent de scie mais qui n'autorise pas l'once d'une liberté. On aura donc droit à la galerie classique : l'acteur trop investi (Jonathan Cohen, lourd), le réalisateur en pleine crise existentielle (Denis Podalydes qui tourne à bas régime), la directrice de production, seule lucide et pragmatique (Emmanuelle Bercot, fidèle à elle-même), le producteur lâche, menteur mais goguenard donc finalement sympathique (Xavier Beauvois, amusant, puis agaçant). De ce casting, qui dès les cartons d'ouverture semble être le seul argument du film, Cédric Kahn ne fait rien, ne creuse rien. Même la touche de fraîcheur qu'incarnent Souheila Yacoub et Stefan Crepon (qu'on est heureux d'entendre parler après sa révélation muette dans Peter Von Kant) tourne à l'évidente romance ronronnante, et à l'ambigu propos sur la jeunesse de banlieue (en gros : "sors-toi de ta misère en te bougeant un peu, quitte la banlieue qui t'empêche de te libérer et exerce chez toi une inertie - représentée par le petit copain possessif ou la sœur qui veut faire tourner son business - et pars donc à la capitale !).
Pire, Cédric Kahn, à trop vouloir faire les poupées russes à coups de films dans le film, se laisse déborder par les thématiques qu'il aborde, et le sujet du film que l'on regarde finit (faussement original) par devenir celui du film que l'on voit. S'enchaînent alors, dans des dialogues pauvres qui se résument un maelstrom de crises de colères et un florilège d'insultes les comparaisons douteuses : l'esprit de solidarité qui règne dans les luttes ouvrières est le même que celui d'un tournage (à la rigueur, on lutte contre le pouvoir de l'argent roi) ou encore classe ouvrière et monde du cinéma = même combat (ça non, c'est problématique).
Mais encore ce propos, bien que franchement questionnable, serait-il mieux passé si le film entier (comptant les deux films qu'il contient) ne souffrait pas de terribles longueurs, d'un rythme absent qui semble toujours louper de peu la juste cadence, et d'un humour en berne, pour ne pas dire absent (il n'y a bien que les gags présents dans la bande annonce qui font sourire, mais on les connaissait donc déjà). Finissant par devenir très sérieux mais pas assez abouti pour encaisser cette nouvelle rythmique et ce nouveau ton, Making Of, plombé par sa grisaille et devenu antipathique, s'étiole pour finir par nous perdre dans sa fausse tendresse mélancolique et son intérêt mal placé et trop calculé pour la cause sociale qu'il veut aborder.
De cette matière première au grand potentiel, Cédric Kahn ne produit qu'une chimère hybride, sans grand intérêt, sans ambition, sans légèreté. Trois choses qui font pourtant de bons films.
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Créée
le 24 janv. 2024
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