Pâtes à la carbonara
Ce Malcolm & Marie avait tout pour plaire aux plus cinéphiles: arrivé sur un boulevard vide de concurrence en raison du covid, pré-senti pour gagner de nombreuses récompenses, deux acteurs qui...
Par
le 6 févr. 2021
70 j'aime
4
Voir le film
Sam Levinson (Euphoria) déconfine les sentiments d’un couple dont les humeurs et états d’âme pavent ce huis-clos en noir et blanc. Une explosion a lieu, certes elle est feutrée, pas universelle, mais le moment de cinéma est réussi au point d’inscrire le film au-delà de la simple sortie streaming hebdomadaire.
S’il fallait lancer un résumé, Malcolm (John David Washington) et Marie (Zendaya) reviennent de la première du film dont lui, est le réalisateur et elle, l’inspiration. Et puis s’en suivent de longs discours, monologues, silences oscillant entre critique des critiques, le rejet de la part politique du cinéma, une petite fixette sur les legos et une approche de l’amour sous la forme d'une esperluette (le « & » du titre qui ajoute Malcolm à Marie) plutôt qu’un « amour-fusion » comme le « Rules » de Euphoria.
La teneur de certains dialogues envers les « critiques » américaines d’aujourd’hui est assez assassine. Ces gens-là seraient obnubilés par la couleur de peau au point de tarabiscoter des interprétations et des appréciations du septième art qu’ils élaboreraient artificiellement dans des sortes de Frankensteins de rédaction politisés à mettre à portée de cliques. Tout cela à travers une interprétation « too much » de John David Washington qui a un double effet bien malin : feinter une ironie à la main lourde tout en servant de véritable porte-voix à Sam Levinson. Mais le procédé n’aura pas nécessairement permis à tous ces commentateurs de l’art d’avaler avec facilité les couleuvres ici déversées à même le fond de la gorge, le succès critique aux Etats-Unis est en effet bien mitigé.
Filmé sur de la pellicule 35mm, en noir et blanc, au coeur d’une maison d’architecte, avec des plans variés et une ambiance en temps réel, tout cela porte à préjuger à un exercice de style racé et glacé. Si le film est exactement cela dans une certaine mesure, les interprétations de Zendaya et John David Washington portent des variations sentimentales et des sautes d’humeur énergiques qui réussissent à déjouer très vite l’attention des seules images.
Le couple se travaille et se relance, d’un rebondissement émotionnel à l’autre,
pour concrétiser non pas le délitement d'un amour mais sa cristallisation vers de nouveaux horizons. L'un des deux sort évidemment vainqueur du pacte délivré (mais lequel ?),
après une bataille rangée qui aura dégainé les lignes de dialogues d'un script imbibé par la créativité hyperactive mais maîtrisée de Levinson. Un tour de force sans force et sans détour qui se pare de peu d'accessoires pour proposer du cinéma. Un peu comme le fait The Sunset Limited, adapté de la pièce de théâtre de Cormac McCarthy, où Tommy Lee Jones et Samuel L. Jackson discutaient non pas de l'amour mais de l'existence dans les grandes largeurs.
En définitive Malcolm&Marie aligne les allusions au cinéma, une industrie économique qui se politise à l'occasion passant souvent la pure volonté artistique sous le tapis. Et c'est précisément pourquoi Euphoria est si intéressante, car elle rejette l'instrumentalisation politique de personnages qui pourraient porter tant de revendications hors-écran. Levinson, qui le montre à nouveau dans Malcolm&Marie, ne fait pas des réceptacles à discours. Il crée simplement des personnages intéressants dans des histoires intéressantes au travers de dialogues qui se parent d'un "réalisme" tout hollywoodien. Ici ces personnages délivrent leur histoire dans une intimité amoureuse très inspirante. Le cocktail est alors enivrant, entêtant et désarmant au point qu'il laisse un peu les mains en l'air sur son clavier le quidam vagabond qui s'était glissé derrière en espérant jouer au pseudo-critique de cinéma comme on jouerait aux legos.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films vus/revus en 2021
Créée
le 5 févr. 2021
Critique lue 2.3K fois
25 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Malcolm & Marie
Ce Malcolm & Marie avait tout pour plaire aux plus cinéphiles: arrivé sur un boulevard vide de concurrence en raison du covid, pré-senti pour gagner de nombreuses récompenses, deux acteurs qui...
Par
le 6 févr. 2021
70 j'aime
4
À un instant, assez tôt dans le film, dix minutes peut-être, et alors qu’on se rend compte déjà que le film flirte avec le truc poseur à partir du moment où Sam Levinson décide de filmer John David...
Par
le 10 févr. 2021
45 j'aime
2
Alors c'est ça, LE film du confinement ? Hé bien là, je dois bien vous avouer que les bras m'en tombent. Parce que Sam Levinson ne fait finalement que nous refiler un remake de ce que nous avons vécu...
le 10 févr. 2021
29 j'aime
6
Du même critique
(Attention aux spoilers éhontés) Douloureux d’un marketing enclin à jouer les précieuses ridicules (au point de livrer des affiches pleines de trous censées garder le secret de soi-disant orgasmes...
Par
le 17 déc. 2021
49 j'aime
39
"No, I'm not homeless, I'm just... houseless, not the same thing, right ?" - Fern Chloé Zhao, d’origine chinoise et vivant aux Etats-Unis, signe avec Nomadland un film d’une ambition cachetée...
Par
le 1 janv. 2021
35 j'aime
5
Parabellum commence là où le deuxième volet finissait. John Wick est épuisé, tailladé de partout, mais il doit combattre une armée d'assassins dont chacun espère bien décrocher les 14 millions de...
Par
le 18 mai 2019
32 j'aime
4