Malcolm & Marie
6.7
Malcolm & Marie

Film de Sam Levinson (2021)

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Une commande, oui une commande. Pour plusieurs raisons.
D'un point de vue purement technique. Du m'as-tu vu a toute échelle, cadre, couleurs, montage, musiques, silences, casting, etc... Des plans aux codes classiques, des mouvements aussi, un noir & blanc et un faux grain, en veux-tu ? Non, merci Sam. Dommage, moi j'aime bien.
Le film commence sur un (presque) plan-séquence, un simple travelling latéral qui circule de Malcom a Marie, de Marie a Malcom, etc... Je trouve que cela permet d'instaurer facilement le huit clos mais surtout d'exposer le rythme du film, un ping-pong entre les personnages. Classique.
Par ailleurs, je remarque qu'un très court montage dynamique s'impose entre Malcom, qui insiste pour que sa femme communique au sujet de ce qui l'a gêne, alors qu'elle, Marie, prépare un Mac & Cheese sans répondre. Puis enfin, l'insert titre se présente. Le thème est exposé, dans des pâtes et du fromage. J'aurais pu y voir un sens dans ces inserts de cuisine et ce titre, mais non. C'est gratuit.
(ou peut-être, "La cuisine est prête, ferme-la Malcom et mange seul.")
Après un coup de gueule de Marie, Malcom, coupable, vient s'asseoir à la table, mange, et, petit à petit, provoque Marie qui est partie. Une proposition de mise en scène intéressante que de voir Malcom, manger seul à une table où il n'y a personne d'autre que lui et son miroir. Classique. S'y ajoute, la réponse à sa provocation, qui est montrée par un plan lui aussi intéressant de Marie (si ce n'est le plus intéressant). Le plan se divise en 2 tiers, elle, droite cadre et l'autre tiers, le miroir dans lequel se voyait Malcom. J'interprète que Marie ne parle à personne, quelqu'un qui ne l'entend pas. En tout cas, elle se refuse à s'adapter au narcissisme de son mari. Nous entrons alors dans une scène de confrontation où les personnages sont divisés par le cadre. Un plan pour Marie, un autre pour Malcom. Jamais ils ne se retrouvent dans le même plan que lorsqu'ils se réconcilient. Mais là encore, c'est un code classique.
Par la suite, Malcom part à la recherche de sa moitié qui s'est éclipsée. Scène que l'on revoie à la fin et un plan large de la chambre pour créer la similitude. Une fois Malcom, recherche Marie, de nuit, seul et ne l'a trouve pas. Une autre fois, Malcom recherche toujours Marie, de jour et l'a retrouve. Les amoureux sont donc réunis là où dans le film de Malcom ils ne sont pas. Là encore, vous savez ce que je vais dire.
S'en suit des reproches de l'un envers l'autre, en divaguant dans la maison mais aussi en dehors du huit clos (ouf, on respire). Malcom vexé, Malcom dehors ; avec une particulière justesse du réalisateur à montrer l'immaturité de son personnage (où de lui-même, j'imagine), lorsque ce dernier s'énerve tout seul dans le jardin. Mais Malcom, malheureusement, revient pour hanter sa compagne en lui rappelant que son film, c'est (surtout) lui, sa vie, ses exs copines et conclure sur le fait qu'il l'aime pour tout ce qu'elle est. Ce qui amènera à une réconciliation, si ce n'est pas pour dire "une trêve". Une trêve qui se déroule en image mais surtout en une critique monologuée de Malcom (ou l'ego de Sam Levinson) d'un article du L.A Times, on peut y voir Marie sourire à l'idée de voir son homme critiquer pour critiquer. Au même titre, que Sam Levinson nous montre pour montrer. L'ego de Malcom, tel un petit enfant qui n'est jamais satisfait de la critique et sa femme, Marie, qui le connaît si bien et qui s'en amuse.
Une trêve, hein ? Vous vouliez respirer ? Hors de question, la dispute reprend encore et encore pour finir en une démonstration de force. Marie "gagne" contre Malcom qui lâche prise et l'a remercie.
Un combat donc.

Quoi ? L'oncle Sam veut nous montrer ce qu'est un couple qui s'aime pour ses défauts et imperfections ? soupir. Nous ne savions pas ce que c'est, misérables que nous sommes. A moins que... Oui, Netflix (et ses commandes) souhaite nous conforter en nous rappelant des situations que nous adorons voir, le couple, les engueulades, les "fuis-moi, je ne te retiendrais pas". Parfait en ce temps épidémique, montrez-nous une situation que nous avons eu tout le temps d'expérimenter durant nos confinements. Vendez nous quelque chose que nous connaissons déjà. Cela fera passer ce film, avec des acteurs bankable, des musiques mainstream, un script "pas mal" et une photographie peu poussée pour un grand film. Là est le problème, tout n'est qu'esbrouffe, strass et paillettes.
J'ai la nette impression que Sam Levinson souhaite nous montrer pour montrer et, qu'en plus, nous montrer non pas une histoire de couple mais SON histoire de couple. "aaaah vous savez le couple c'est ça", "l'ego d'un réalisateur qui rencontre celui d'une actrice". Il traite un sujet qui, apriori, me parle beaucoup et j'étais très heureux de voir enfin un film qui, dans les dialogues, s'essaie à aller peu plus loin dans les échanges conjugaux que ce que nous sommes habitué à voir dans les films américains. Mais malheureusement, j'ai été déçue de voir que ce film ne prend strictement aucun risques, ni de mise en scène, ni de casting, ni technique et narratif. Lorsqu'un film base sa narration sur les dialogues des personnages, nous nous attendons à voir leurs propos poussés au maximum. Mais non, nous avons le droit à un ping-pong qui n'emmène jamais le dialogue dans une évolution constructive mais que dans un rapport de domination. Les personnages ne dialoguent pas justement, ils se dominent. Comme si l'échange que l'on peut avoir avec sa/son partenaire ne se mesure qu'a un rapport de supériorité. (Touché! C'est toi le plus bête maintenant!).
Ça en dit long sur le réalisateur qui, je le rappel, a écrit, produit et tourner le film.

Je terminerais sur un dernier point. J'attache un sentiment positif à une œuvre cinématographique lorsque cette dernière, outre ses caractéristiques techniques et de narration, se construit grâce à sa mise en scène. Ce qui fait d'un film une œuvre particulière et singulière, c'est sa capacité à mettre en scène des choses qui pourrait être dites. Et c'est justement parce qu'elles ne sont pas dites mais mise en scène via des regards, des mouvements caméra, comédiens, des lumières, des effets sonores, etc... Et non seulement via des répliques, que le film transcende d'émotions et de sentiments. A cet instant, car il s'agit bien d'instants, nous pouvons avoir de l'empathie pour les personnages, et mes tristes impressions me laisse penser que la seule raison éventuelle pour que nous en ayons, c'est la qualité de jeu de Zendaya Coleman qui, j'en suis sûre, fera des merveilles dans quelques années.
Ce qui fait la beauté des films de Xavier Dolan ou bien de David Lynch, c'est leur capacité à retranscrire les émotions autrement que par les mots mais surtout par l'image et le son. C'est ça le cinéma. C'est d'ailleurs ce que Sam Levinson tente de faire après la dernière confrontation. Les personnages se préparent pour aller dormir et l'utilisation de leurs regards timides à travers les miroirs induisent enfin une autre mise en scène que celle du script. Hélas, il est déjà trop tard. Le film est fait. Et c'est ce qui m'attriste dans Malcom & Marie, de ne voir que si peu de singularité artistique pour un sujet aussi universel que l'amour.

P.S : J'ai aussi remarqué énormément de mimiques de jeu similaires entre John David Washington et Denzel Washington. C'est son fils. Coïncidence ? Je ne pense pas.

Mot de la fin : Un contenu qui aurait pu être un grand film, si le réalisateur et sa production ne s'étaient pas arrêter à leur objectif : vendre. C'est un film qui reste assez plat, malgré des propositions intéressantes.

DYSPSYD
5
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le 11 févr. 2021

Critique lue 545 fois

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