Avec en générique la danse d'un pantin désarticulé sur filtre coloré, sur une composition de Quincy Jones. L'introduction de Dandy in Aspic nous annonce une tragédie sur un homme limité dans le temps et l'espace, phénomène symptomatique du film d'espionnage autour de la guerre froide. Cet homme, Laurence Harvey, dandy anglais cachant une âme russe, est le parfait agent double. D'ailleurs, la révélation de sa duplicité, au début du film, peut presque donner l'impression d'un retournement dramatique tant sa caractérisation fut convaincante.
Souhaitant retrouver son pays et prendre congé, le dandy devient inévitablement sa propre cible dans l'organisation. Une situation qui, au-delà de révéler l'absence de considération de chaque homme administré par des instances déshumanisées, montre que la veulerie humaine et internationale. Les Russes sont prêts à vendre des agents et à les éliminer quand ils sont instables. Les Anglais, qui ne reculent devant rien, assassinent sans pitié. Parmi ces hommes, Tom Courtenay est misérablement génial en sociopathe premier de la classe, contrebalançant bien la froideur classe du dandy Harvey avec qui il fera équipe.
Mia Farrow incarne à merveille ce hublot dans l'avion, métaphore de la vie qui regarde innocemment Harvey comme un appel du pied vers la liberté. La conclusion de leurs échanges, d'ailleurs, porte en elle toute la pesanteur dramatique de la symbolique évoquée.
Une intrigue portée par une tension constante du fait de la possible révélation du statut secret de notre héros se conjugue à la confusion toujours entretenue dans le genre. Une des scènes magistrales du film est celle de la cabine téléphonique, moment d'angoisse hallucinant où le son électronique se conjugue avec le cri assourdissant de notre héros, un effroi ressenti comme rarement au cinéma.