Bipolaire, ce Malena joue sur deux pans en même temps.
Il y a celui d'un cinéma nostalgique qui fait la part belle aux sentiments d'enfants, à la naissance du désir sexuel (rappelant le très beau Le mari de la coiffeuse de Patrice Leconte), aux souvenirs idylliques qui cachent un passé sombre habilement relégué à l'arrière-plan (la montée du fascisme Mussolinien, la Seconde Guerre Mondiale et la défaite à celle-ci, avec représailles hypocrites des habitants d'un village sicilien pour celles et ceux qui ont pactisé avec les nazis), à la musique superbe et instantanément reconnaissable du grand Ennio Morricone, et à une certaine ampleur esthétique de l'image, la caméra de Giuseppe Tornatore s'osant à des plans aussi larges que rapprochés, décollant à la grue pour mieux réattérir, et captant les foules comme jamais.
Il y a également celui, en parallèle, d'un cinéma qui n'a pas grand chose à dire, résume sa superbe actrice principale à un pur et simple objet de désir, l'objectivant par ses cadrages, lui confiant un rôle quasi mutique qui pourra faire croire, par faute de scénarisation, que Monica Belluci est mauvaise (et l'on comprendra, lors d'une terrible scène d'humiliation publique, que ce n'est pas la faute à son jeu mais bien au personnage qu'on n'aura pas sur bien écrire). Sur cet aspect, le film semble creux, lassant, terriblement répétitif, presque gênant dans sa sur-sexualisation de tout, et souvent insupportable dans sa commedia dell'arte hurlante, cabotine et horripilante.
Dommage que ce second pan éclipse régulièrement la beauté du premier qui aurait pu faire de ce Malena un film superbe, bien plus intéressant que l'étrange objet bruyant et sensuel qu'il se contente parfois d'être.