Jaume Balaguero est un cinéaste remarquable dont la plupart des œuvres sont de belles réussites et des petites frustrations. De Rec à Fragile en passant par La Secte sans Nom, c’est toujours des films de genre originaux, novateurs ; et toujours des programmes échouant, semblant non pas renoncer mais s’immobiliser au fur et à mesure que le spectacle avance. Malveillance était tout aussi stimulant a priori, par son affiche, par son titre, par ce qu’il inspirait vaguement. Et cette fois, c’est un grand film, catégoriquement, sans angles morts.
La nuit, chez Clara, César est le monstre sous son lit. Clara est une femme épanouie, un peu démonstrative mais paradoxalement, une femme de peu de mots, comme lui. Le film s’ouvre sur sa confession à une animatrice radio : il est un non-heureux perpétuel, pour qui toute l’existence est un fardeau, se levant « sans motivation ». Il doit se forcer à faire en sorte que les choses restent à l’endroit, que la vie suive son court. Mais il n’est pas un simple mec vide et apathique. César, concierge dans leur immeuble, est un être nuisible.
Huis-clos dans l’immeuble avec quatre lieux pour l’action tout au plus, Malveillance nous contraint à arpenter les mêmes zones que César, à adopter ses références. Le film a vraisemblablement peu de moyens, il repose surtout sur son scénario brillant et des acteurs d’exception, à commencer par Luis Tosar dans le rôle principal, mais également Petra Martinez et la jeune Iris Almeida. La psychologie de César, le mort-vivant destructeur, est largement assimilée et habille le métrage.
Balaguero réussit à créer la connivence avec cette force négative, parce qu’il la rend aussi compréhensible que le sont les autres. Les premiers pas sont incertains et les spéculations vont bon train, devant le chantage de la gamine ou le comportement passif-agressif de César. Si le film est si captivant c’est parce qu’il explore à fond son vide vorace. Une scène est particulièrement déchirante, celle où il énonce des horreurs sur sa condition à l’adorable madame Veronica.
Les « vérités » qu’il lui annone n’ont pour effet que de saboter sa confiance et sa joie ; sans doute se croit-il un bienfaiteur à ce moment-là, celui qui ouvre les yeux sur la réalité crue. En fait il révèle bien pire que de la noirceur, toute la vacuité glaciale qui l’habite, sous le vernis du bonhomme stoïque, dévoué et de bon conseil. Il est le Mal dans sa forme pure, embarrassé d’aucune conviction, d’aucune attache ou curiosité. Il n’est même pas dominateur, juste attentif aux failles qui lui permettront de casser tout équilibre et toute satisfaction d’autrui pour insinuer sa présence et enfin, vibrer, comme un atome enfin influent.
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