On croyait le genre mort. Il n'en est rien. Depuis quelques années le cinéma d'horreur subit une cure de jeunesse grâce aux réalisateurs hispaniques (nous offrant [REC] ou encore Insensibles). Ils semblent être les seuls à vouloir réhabiliter un genre qui souffre de ses créations trop calibrés. Guillermo Del Toro en chef de file. Sa dernière production fait rimer frissons avec émotions.
L'échine du diable et Le Labyrinthe de Pan sont des œuvres qui en plus d'être unique dans leur genre sont issus du même cerveau. Entre deux réalisations, il laisse sa chance aux nouveaux réalisateurs. On lui doit L'orphelinat ou encore le film d'animation Les cinq légendes. Preuve que Guillermo Del Toro est éclectique. Sa dernière production nous rappelle qu'il existe un lien étroit entre l'enfance et la peur. Sorti grand vainqueur du Festival international du film fantastique de Gérardmer, Mamá suscite l'intérêt. Et lorsque l'on voit le casting, on devient vraiment intrigué. Jessica Chastain est présente. Celle que l'on voit partout de Bigelow à Malick. Un choix qui surprend mais on le comprend bien vite, le look goth est là pour casser son image de mère de famille parfaite (The Tree of life, Take shelter). Nicolaj Coster-Waldau (Game of Thrones), quant à lui la pousse dans un rôle de mère qu'elle n'est pas prête à assumer. Andy Muschietti aborde sa première réalisation sous de bons auspices.
Après une tragédie qui a conduit à la mort de leur parents, deux petites filles sont livrées à elles-mêmes dans la forêt. Cinq ans ont passés, leur oncle les retrouve. Elles troquent leur état de nature contre le contrat social imposé par le psychiatre chargé de les réhabiliter à la vie en société. Mais celles-ci sont accompagnées par Mamá, l'esprit d'une mère sur-protectrice et jalouse. Cette histoire convoque les clichés du cinéma fantastique: un fantôme perturbé, une maison, une enquête. Muschietti connait ses classiques et les amène plutôt bien. Malheureusement l'on n'échappe pas à certains défauts du genre. Même si le duo Muschietti/Del Toro les évite autant que possible. Ainsi on aura le droit à l'épreuve de l'inconscient déterminé à faire son trekking by night, si possible seul et avec une lampe torche qui déconne. De même c'est une manœuvre scénaristique peu habile qui fait qu'Annabel et Lucas se retrouvent juste avant le final. Le milieu de film, lui, est en dent de scie. les conventions du genre sont là, mais Muschietti semble s'arranger comme il peut avec le scénario. La figure du père s'efface beaucoup trop, même si c'est en partie excusé par le récit et la confrontation Annabel/Mamá, les deux modèles de la mère de substitution. Néanmoins le final apporte noirceur et fantastique, avec une forte dose d'émotion. On se situe entre le "lâche-la sale pute" d'Alien le retour et le final gothique cher à Burton (Edward scissorhands). L’interprétation est alors libre entre mièvrerie ou grâce gothique.
Mamá prouve que même avec un cahier des charges on peut faire un film honorable. Il est aussi le témoin que certains acteurs peuvent prendre des risques On émettra plus de réserves sur la qualité des effets visuels. Le film emprunte tantôt à la littérature, de Susan Hill (La dame en noir) à Rudyard Kipling (Le livre de la jungle), tantôt au cinéma de Tobe Hopper (Poltergeist). Une richesse qui n'est pas à bouder au vu des productions actuelles nourries aux remakes fadasses et suite de suite de suite. Mamá s'inscrit comme étant un conte horrifique,conciliant roman gothique, divertissement et les enjeux familiaux de notre époque. Avec l'accent mis sur l'atmosphère et non sur le gore, on repars avec la sensation d'avoir assisté à un film et non une attraction de foire. Si le cinéma d'horreur est une mer morte, certains monstres sont bien vivants.