Man in Black est un film parvenant à faire ce que beaucoup tentent de faire sans jamais réussir : allier la petite et la grande Histoire. L'histoire d'un homme, de son art et l'Histoire de la Chine communiste.
En filmant le corps nu et vieilli de ce vieux compositeur chinois de 86 ans Wang Bing fait une proposition esthétique radicale : c'est rare de voir des hommes nus au cinéma (peut-être chez Tsai Ming-Liang, et encore), c'est encore plus rare qu'ils le soient tout le film et je ne sais pas si ça m'est déjà arrivé d'en voir un aussi âgé... le tout dans un documentaire.
Wang Bing commence son film sur le compositeur marchant nu dans un théâtre à Paris, il est filmé dans les moindres détails, avant même de savoir qui il est, on voit, on comprend, on sent d'une certaine manière ce corps.
Alors forcément on peut faire la blague facile : c'est littéralement une mise à nu de ce compositeur qui se livre dans son plus simple appareil, mais il y a autre chose, il y a une fascination pour ce corps, de voir ce qu'est le corps d'un mec de 86 ans qui a traversé l'Histoire de la Chine et qui nous la restitue. Parce que oui Wang Xilin a enduré la Chine et son système politique (ce qui en fait quelque peu un film anti communiste, Wang Bing devra faire son autocritique), et nous raconte sans aucun mélo comment les épreuves qu'il a traversées se retrouvent dans son art et ceci de manière très concrète. Il a telle idée à faire passer, il va utiliser tel instrument pour la faire passer, etc.
Ce qui fait qu'on a un film réellement intéressant dans sa partie centrale sur la création artistique et sur son articulation avec la vie des artistes. C'est le moment du film où Wang Xilin prend la parole, raconte sa vie avec en fond sonore ce que je suppose être ses compositions. Par moment le son couvre la voix de l'artiste, ce qui donne l'impression que son art déborde de lui et qu'il parle pour lui.
C'est un film qui ne fait rien comme les autres, qui rien que part le choix de son sujet prend parti contre le parti communiste chinois, qui formellement est jusqu’au-boutiste et qui a beau ne durer qu'une heure (ce qui est surprenant vu la durée des autres films du réalisateur) a tout pour marquer durablement son spectateur.