Au cœur du darwinisme et du créationnisme : le mythe américain de Superman
Ringardisé par cette image de scout en slip rouge, Superman n’a que trop rarement eu de bonnes histoires dans les comics, à la télévision ou au cinéma. Premier super-héros de l’histoire, créé en juin 1938 par Jerry Siegel et Joe Shuster, Superman fête ses 75 années d’existence par une nouvelle adaptation de ses origines au cinéma par les compères dorénavant liés à l’univers cinématographique de DC : Christopher Nolan (producteur et scénariste), David S. Goyer (scénariste), Zack Snyder (réalisateur) et Hans Zimmer (compositeur).
Si Superman a depuis longtemps développé son mythe messianique, on ne peut pas dire que ces derniers y vont de main morte sur ce thème. Dans une surenchère toute snyderienne (les ralentis en moins), la naissance de Superman qui ouvre le film apparaît comme un moment de liturgie sublimée par la musique profane de Hans Zimmer. Quelques minutes plus tard, l’envol du nouveau-né dans le vaisseau qui doit quitter la planète Krypton, au bord de l’implosion, pour l’emmener sur Terre démontre aussi toute la portée religieuse du propos du film, les bras mécaniques libérant le vaisseau formant la croix de Jésus, à peine dissimulée.
Cette surenchère se poursuit tout au long du film très poussif par les situations et les dialogues. Outre la naïveté et le rôle explicatif de ces derniers (comme si le public de Superman était forcément demeuré), on ne s’étonnera guère ainsi de voir une baleine et son petit croiser la route d’un Superman feignant la noyade ou de voir le chien des Kent responsable de l’un de plus tragiques évènements de la vie de Clark Kent.
Par ailleurs, le film tient ses promesses par une action efficace et lisible portée par des effets spéciaux globalement réussis tandis que le casting reste impressionnant. Si le couple Henry Cavill / Amy Adams apparaît désormais comme une évidence pour incarner Clark Kent et Lois Lane, Kevin Costner et Russel Crowe ne déméritent pas tout comme le trop rare Laurence Fishburne dont j’attends un rôle plus conséquent pour Perry White dans le deuxième opus. Quant à Michaël Shannon, habitué aux rôles indépendants avec Jeff Nichols, Werner Herzog ou encore Sam Mendes, il incarne un convaincant (une fois passé le cap de la coiffure) général Zod, incarnation d’une certaine Amérique darwiniste.
Pour autant, il ne faudrait pas exagérer la portée religieuse du propos du film car, laissant place (trop ?) à l’action, le film ne se porte presque exclusivement sur la figure divine de Superman oubliant son côté humain, Clark Kent. Ses relations avec ses parents adoptifs ne se résument guère qu’à quelques scénettes répétitives et qui laissent éclater au grand jour le propos américaniste du film. Superman est le bouclier face aux menaces de l’Univers que l’Amérique attendait et espérait tel le messie.
Passé ces considérations, « Man of Steel » reste un bon divertissement dont l’infinie puissance, soulignée par la sublime partition de Hans Zimmer, du héros provoque une jouissance visuelle rarement vue au cinéma. Si l’on pose son cerveau en entrant dans la salle de cinéma pour ne pas être atterré par les dialogues, les situations et les propos idéologiques développés dans le film, celui-ci reste sans doute un honnête Superman.
Pas celui qu’on espérait mais l’hypothétique rencontre avec Lex Luthor dans le deuxième opus laisse présager un approfondissement de la psychologie et du background de Superman. Après tout, le succès des Batman de Christopher Nolan n’avait explosé qu’après la rencontre avec le Joker. De la confrontation avec de grands ennemis, naissent les grands héros.