L’amour, la révolte et la liberté
Les désormais frère et sœur Wachowski se sont associés avec Tom Tykwer (« Cours, Lola, cours ») pour porter au cinéma l’inadaptable roman de David Mitchell, « Cloud Atlas », publié en 2004. Du XIXe au XXIVe siècle, six intrigues rassemblées par la mystérieuse toile de l’espace-temps font se croiser et s’entrecroiser des êtres mus par les mêmes idéaux.
Par cette comète que les six personnages principaux arborent sur leur corps comme une tâche de naissance dont ils ne parviendraient pas à comprendre le sens, l’esprit de la révolte et le combat pour la liberté trouvent une représentation physique. Chapeauté par l’éloge de l’amour universel et intemporel capable de faire traverser les pires épreuves de la vie et du monde, ce concept (la révolte pour la liberté) traverse l’Histoire. La lutte du temps présent fut celle du passé et sera celle du futur.
En 1849, le jeune Adam Ewing s’élève contre l’esclavage. En 1936, le musicien Robert Frobisher devient le précurseur pourfendeur de l’homophobie. En 1976, la journaliste Luisa Rey s’insurge contre la puissance nucléaire. En 2012, le vieillard Timothy Cavendish combat pour la liberté des retraités qu’on voudrait voir mourir trop tôt. En 2144, Sonmi-451 se rebelle contre une société futuriste consumériste tandis que Zachry mène l’ultime révolution des hommes en quittant la Terre devenue inhospitalière et toxique pour la race humaine en 2321.
Portés par la magistrale bande originale de Reinhold Heil, Johnny Klimek et Tom Tykwer et le sublime travail des costumiers et maquilleurs, « Clous Atlas » délivre une histoire d’une ampleur rare, presque jamais vue au cinéma, grandiloquente sans être prétentieuse. Le film profite aussi des performances remarquables de Tom Hanks, Halle Berry et Hugo Weaving en tête, mais on n’oubliera pas non plus Jim Broadbent, Jim Sturgess, Doona Bae, Ben Whishaw et Hugh Grant.
Décidément, les Wachowski donnent toujours à leur cinéma un souffle épique rare. On se souvient du choc que fut « Matrix » et le rôle précurseur qu’il conserve dans l’histoire du cinéma. « Cloud Atlas » incarne lui le paroxysme de l’ambition cinématographique. Par sa maîtrise visuelle, son montage qui ne laisse que peu de répit au spectateur et surtout son propos d’une beauté inouïe, « Cloud Atlas » invite au rêve, à l’émerveillement, à la réflexion sociale, à la peur d’un futur déshumanisé, à l’apocalypse prématurée.
On ne peut que s’incliner devant une telle intelligence capable de transcender et d'éclairer le temps. "Nous ne sommes qu'une des multitudes gouttes de l'océan de l'univers" nous dit David Mitchell. Avec une telle hauteur d'esprit, "Cloud Atlas" bascule irrémédiablement dans les chefs d'oeuvre du cinéma mondial et vient d'écrire une nouvelle et jolie page de la fabuleuse histoire du cinéma.